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Devant un ami qui nie ou qui minimise la réalité du réchauffement climatique, on peut être tenté de baisser les bras. Le Détecteur de rumeurs examine 12 des arguments à partir desquels il serait pourtant possible d’établir un terrain d’entente, même avec ceux que l’on dit « climatosceptiques ».


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1.      « Le climat se réchauffe et se refroidit depuis toujours »

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Les températures varient bien sûr au cours des saisons, des années, des siècles et des millénaires : c’est une donnée primordiale prise en compte par tous les climatologues. Autrement dit, jamais ils n’ont nié que la Terre se soit réchauffée et refroidie depuis toujours.

Le problème, c’est que le dérèglement actuel du climat ne rentre pas dans le schéma « classique » de ces variations naturelles. Selon une étude parue en 2018 dans PNAS, nous atteindrons dès 2030 un climat similaire à celui que connaissait la Terre il y a trois millions d’années. Et si les émissions de CO2 continuent d’augmenter au rythme actuel, nous pourrions dès 2150 vivre sous un climat similaire à celui que connaissait la Terre il y a 50 millions d’années. C’est une vitesse sans précédent.

2.      « Le CO2 n'est pas toxique, puisque les plantes en ont besoin »

Il va de soi que les plantes ont besoin de CO2. Si celui-ci est pointé du doigt dans le contexte du dérèglement du climat, ça n’a jamais été parce qu’on le disait « toxique », mais plutôt parce qu’il s’agit d’un gaz à effet de serre. Les climatologues ne remettent donc pas en question l’utilité du CO2, mais l’augmentation de sa concentration dans l’atmosphère, qui joue directement sur les températures de la planète.

Du côté des plantes, une augmentation de CO2 peut stimuler leur croissance grâce à la photosynthèse. En revanche, les dérèglements climatiques induits par cet excès de CO2 auront d’autres conséquences sur elles : hausse des températures, variations de l’humidité et des nutriments disponibles dans le sol… En prenant en compte tous ces facteurs, l’ensemble des études menées sur ce sujet suggère que la balance climatique penchera en défaveur des plantes.

3.      « Le CO2 ne compose qu’une petite partie de l’atmosphère »

Aucun doute là-dessus non plus : le CO2 ne compose qu’un maigre 0,041 % de l’atmosphère, ou 414,72 parties par million (PPM) en 2021. Mais son augmentation n’en est pas moins tangible. Nous sommes passés de près de 280 PPM à plus de 400 PPM en moins d’un siècle et demi, et cette hausse s’accélère. On fixe souvent à 450 PPM (soit 0,045 %) la limite à ne pas dépasser pour éviter des conséquences irréversibles sur la planète ; or, en 2021, les experts ont enregistré une augmentation de 2,58 PPM par rapport à l’année précédente. Par conséquent, si la tendance se maintient, l’atmosphère de la Terre atteindra ce seuil de 450 PPM de CO2 dans moins de 15 ans.

4. « La vapeur d'eau est un plus gros gaz à effet de serre que le CO2 »

Cette affirmation ne nous apprend rien non plus : la vapeur d’eau est effectivement responsable d’environ 60% de l’effet de serre subi par notre planète. Mais il faut distinguer les gaz à effet de serre (GES) naturellement présents dans l’atmosphère et ceux rejetés par les activités humaines.

La vapeur d’eau repose sur un « simple » équilibre physique : à une certaine température, l’atmosphère est capable de contenir une certaine quantité d’eau. Ainsi, lorsque nous mettons en route notre bouilloire ou que nous faisons sécher notre linge à l’extérieur, nous ne contribuons pas au réchauffement de la planète avec une évaporation excessive : grâce au cycle de l’eau, cette vapeur se condensera et retombera sous forme de pluie ou de neige, après environ 9 ou 10 jours. Le GIEC estime ainsi que la vapeur d’eau d’origine humaine, produite notamment par l’irrigation des cultures, est négligeable par rapport à l'évaporation naturelle de l’eau.

Malheureusement pour nous, les activités humaines rejettent d’autres GES que la vapeur d’eau. Par exemple, du CO2, du méthane ou du protoxyde d’azote qui, eux, sont problématiques, car ils peuvent rester plusieurs années, voire plusieurs milliers d’années, dans l’atmosphère. C’est cette accumulation qui met en péril le climat.

Or, avec cette accumulation, la température globale de la planète augmente, et avec elle, la capacité de l’atmosphère à contenir plus d’eau. Puisqu’il y a plus d’eau qui s’évapore, la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère croît —aggravant encore l’effet de serre. Cet effet d’accumulation est lui aussi pris en compte par les calculs des climatologues : sans cet effet, on estime que le pouvoir réchauffant du CO2 serait divisé par deux.

5.      « Il y a toujours eu des espèces qui ont disparu, ça fait partie de la nature »

Si, de tout temps, des espèces ont effectivement disparu de la surface du globe, le rythme auquel elles disparaissent en ce moment fait craindre une extinction de masse. Et même si un tel événement s’est déjà produit à cinq reprises dans l’histoire de notre planète, ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère. D’autant que la crise de la biodiversité que l’on connaît actuellement est largement causée par nos actions, qui conduisent à la destruction d’écosystèmes.

Dès 2004, une étude publiée dans Nature montrait que les changements climatiques avaient déjà affecté les espèces présentes sur Terre durant les 30 dernières années, et prédisait une extinction de 15 à 37% des espèces d’ici 2050. Près de 20 ans plus tard, le rapport du GIEC de 2021 est venu apporter des précisions : il s’agit de 100% des espèces insulaires, 84% des espèces vivant dans les montagnes, 12% des espèces continentales et 54% des espèces maritimes, qui pourraient être menacées d’extinction en raison des changements climatiques.

6.      « Les espèces vont s’adapter au réchauffement »

Il ne faut pas confondre la continuation de la vie sur Terre et l’adaptation des espèces actuelles. Il y a des êtres vivants sur Terre depuis au moins trois milliards et demi d’années, et il continuera vraisemblablement d’y en avoir, quoi que nous fassions. Mais la capacité des espèces à s’adapter au réchauffement climatique actuel est, elle, un sujet de recherche majeur comportant de grandes zones d’ombres. Il a par exemple été montré dans une étude publiée dans Nature en 2019 que, si certaines espèces parviennent aujourd’hui à adapter leurs comportements saisonniers aux hausses globales de température, le réchauffement climatique est néanmoins trop rapide pour que leur génétique puisse suivre : l’évolution des espèces se fait sur des millions de générations, et non sur une poignée d’années. Et ces changements de comportements saisonniers ont leurs limites, car dans l’histoire de l’évolution, les espèces ont montré une moins grande tolérance aux hausses de température, comparées à des périodes climatiques plus froides.

7.      « C’est triste si des espèces disparaissent, mais ce n’est pas ça qui va changer notre vie »

Il est très hasardeux d’affirmer que le déclin de la biodiversité n’aura pas d’impacts sur nos sociétés. Selon une étude publiée dans Science en 2011, la disparition d’une seule espèce peut fragiliser tout un écosystème et entraîner par effet domino le déclin de nombreuses autres espèces. Ça peut même avoir des conséquences indirectes comme de favoriser les feux de forêt, la propagation d’une maladie ou la prolifération d’espèces envahissantes.

Ainsi, selon un rapport de 2016 de l’IPBES (le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité), 75% de l’agriculture mondiale repose sur les insectes pollinisateurs. « Le tissu vivant de la Terre, essentiel et interconnecté, se réduit et s’effiloche de plus en plus », a déclaré dans un communiqué de presse le professeur Josef Settele, chercheur au sein de l’IPBES. « Cette perte est la conséquence directe de l'activité humaine et constitue une menace pour le bien-être de l’humanité dans toutes les régions du monde. »

Il y a même des économistes qui, depuis quelques années, mettent une « valeur économique » sur la nature, dans le but d’estimer ce que nous allons perdre si nous ne protégeons pas davantage ces acquis.

8.      « L’humanité a toujours survécu, elle survivra aux catastrophes »

Aucune étude scientifique n’a annoncé la disparition de l’espèce humaine à cause du réchauffement climatique. Mais en plus des coûts financiers entraînés par la perte de biodiversité, les feux de forêt ou les événements météorologiques extrêmes, il y aura inévitablement des pertes de vie. Par exemple, le GIEC prévoit que 48 à 76% de la population mondiale sera exposée à des canicules mortelles avant la fin du siècle, selon les différents scénarios d’augmentation de la température. Si le climat connaît une augmentation de seulement 2°C, ce sont 800 millions à 3 milliards de personnes qui souffriront d’un accès insuffisant à l’eau potable en raison des sécheresses. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’entre 2030 et 2050, les changements climatiques pourraient causer chaque année 250 000 décès prématurés en raison de la malnutrition, des maladies et des fortes chaleurs. Et selon le Lancet Countdown de 2017, ce sont entre 25 millions et 1 milliard de personnes qui seront contraintes de migrer à cause des changements climatiques et des conflits armés qu’ils provoqueront.

9      « Réduire les émissions serait désastreux pour l’économie »

Le débat entre protection de l’environnement et protection de l’économie est récurrent depuis 40 ans. Personne n’a nié qu’il y aurait des coûts. Mais avant d’affirmer que ce serait « désastreux », il faut se demander par rapport à quoi : ne rien faire pourrait-il aussi se solder par une facture « désastreuse » dans les prochaines décennies ?

Dans son rapport de 2018, le GIEC souligne que les changements climatiques entraîneront au cours du XXIe siècle des crises économiques, avec un ralentissement de l’économie mondiale et une augmentation globale de la pauvreté. Concrètement, les mesures à mettre en place pour limiter le réchauffement climatique coûteraient en moyenne, à un pays développé, 127 à 295 milliards $ par an entre 2030 et 2050. Et si ce chiffre peut donner le vertige, les pays ressortiraient néanmoins gagnants, si on compare au coût des catastrophes à venir, dans l'hypothèse où la planète continue de se réchauffer à la vitesse actuelle. Dans son dernier rapport de 2022, le GIEC ajoute que les conséquences économiques des changements climatiques augmenteront non-linéairement avec les températures atteintes : cela veut dire que, pour chaque fraction de degré supplémentaire, les risques pour l’économie seront décuplés.

10.    « Nous sommes loin d’être les plus gros pollueurs à l’échelle mondiale »

Bien qu’il semble faire bonne figure à côté de pays producteurs de pétrole comme le Qatar et ses 50 tonnes d’équivalent CO2 par personne, le Canada reste l’un des trois pays les plus pollueurs du G20 : avec un bilan carbone de 19,4 tonnes par personne en 2018, il est au coude-à-coude avec l’Australie (21,7 tonnes) et les États-Unis (18,2 tonnes). C’est plus du double de la moyenne des pays du G20, qui se chiffre à 7,5 tonnes.

Le Québec, quant à lui, est souvent présenté comme le « champion canadien du bilan carbone », avec ses 10 tonnes d’équivalent CO2 par habitant. Mais la façon de calculer ce chiffre est fréquemment remise en question par les experts. En effet, le calcul ne tient compte que des émissions de GES liées à la production des biens sur un territoire donné. Si l’on ajoute les importations et les exportations, le Québec voit son empreinte carbone grimper pour atteindre 15 tonnes par habitant. En comparaison, avec cette méthode de calcul, un pays comme la France se situe à 10 tonnes par personne.

Pour respecter l’Accord de Paris et maintenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C, il ne faudrait pas dépasser 2 tonnes par personne en moyenne. Selon ce calcul, les Québécois devraient donc diviser en moyenne par 7,5 leur empreinte carbone actuelle.

11.      « Les efforts à l’échelle individuelle sont dérisoires, c’est à l’industrie de réduire son empreinte carbone »

Oui, l’industrie émet plus de GES que les individus. Mais les individus ont également une part de responsabilité dans les émissions industrielles. Un rapport de 2017 du Carbon Disclosure Project, une organisation qui mesure l’impact environnemental des entreprises au niveau mondial, avait attribué à une centaine de compagnies l’émission de quelque 923 gigatonnes d’équivalent CO2 depuis la révolution industrielle. Or, 90% de ce carbone était émis non pas directement par ces compagnies, mais par leurs clients. « Ce sont les consommateurs qui achètent et brûlent les combustibles fossiles que ces entreprises fournissent », explique dans une entrevue pour Vox le chercheur à la tête de ce projet, Richard Heede.

12.      « Ce sont les très riches qui polluent, avec leurs yachts et leurs jets privés »

Il est vrai que les célébrités font souvent les manchettes avec des déplacements aberrants d’un point de vue climatique. Selon un rapport d’Oxfam de 2020, un regroupement d’ONG luttant contre la pauvreté dans le monde, les 1% les plus riches de la planète sont les personnes qui polluent le plus, avec une empreinte carbone individuelle qui culmine à plus de 70 tonnes d’équivalent CO2 émises chaque année.

Cependant, selon ce même rapport, ces 1% ne contribuent « que » pour 15% des émissions planétaires. En prenant non plus 1%, mais les 10% les plus riches de la planète, soit 630 millions de personnes, on atteint 52% des émissions totales, avec une moyenne d’environ 20 tonnes par personne. Il s’agit des personnes  gagnant 38 000 $ US par an ou plus, toujours selon le rapport d’Oxfam, soit un peu plus de 47 000 $ CAN par an au taux de change actuel.

 

Correction apportée au dernier paragraphe, sur le montant en dollars canadiens

Je donne