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Alors que la communauté internationale s’efforce d’endiguer la pandémie de coronavirus (COVID-19), le public s’inquiète de la possibilité d’être contaminé. Dans ce contexte de propagation infectieuse comme dans d’autres, la peur de la contamination est accompagnée de la peur de l’autre, vu comme un porteur potentiel de la maladie.

La COVID-19 a des conséquences néfastes, parfois mortelles, sur la santé, mais elle semble aussi avoir un effet pernicieux, celui de la discrimination et de la xénophobie. En effet, l’origine du virus étant la Chine, des gens de partout tiennent des propos et adoptent des comportements discriminatoires envers les personnes d’origine asiatique. Par exemple, certains ont affirmé sur les réseaux sociaux qu’ils refusaient de visiter le Quartier chinois de Montréal par peur d’y être contaminés par le virus. De même, le directeur de la santé publique du Québec rapporte que des parents ont retiré leurs enfants de l’école sous prétexte que ceux-ci côtoyaient des élèves d’origine asiatique. Malgré les appels au calme des autorités, les citoyens d’origine asiatique sont victimes de discrimination en lien avec cette maladie, en personne ou sur les réseaux sociaux.  

L’histoire est jalonnée de situations similaires où des caractéristiques sociales ou géographiques ont été vues comme des indicateurs de propension à propager une infection. Au Moyen Âge, la syphilis s’est vue simultanément qualifier de maladie française, napolitaine, polonaise, allemande, espagnole, chrétienne, hindoue et musulmane, chaque population cherchant à blâmer ses voisins et ennemis pour la maladie. Dans les années 1980, la peur du SIDA et l’homophobie étaient fortement associées, et les personnes ayant peur de la maladie craignaient aussi les homosexuels. En 2003, lors de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), plusieurs actes de discrimination ont été rapportés envers les personnes d’origine asiatique dans de nombreux pays. En bref, la peur d’être contaminés semble mettre les individus en alerte contre des groupes précis associés à une maladie.

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Le phénomène peut s’expliquer par le fait que les individus expriment un certain dégoût envers un groupe auquel ils n’appartiennent pas lorsqu’ils estiment que ses membres sont porteurs d’une maladie contagieuse et nocive[1]. L’appartenance au groupe est alors interprétée (le plus souvent à tort) comme un indice permettant de repérer qui serait atteint et ainsi d’enclencher des comportements d’évitement. Selon la psychologie évolutionniste, cette réaction pourrait venir du développement de mécanismes psychologiques destinés à éviter à tout prix les maladies infectieuses, puisque celles-ci peuvent être mortelles. Ainsi, en fuyant les membres des autres groupes, une personne réduirait presque complètement ses chances d’être infectée. Par exemple, une étude récente semble indiquer que les gens ayant peur de la contamination sont plus à risque d’avoir des attitudes négatives envers les immigrants, notamment ceux perçus comme provenant d’un pays riche en pathogènes[2].

Les individus semblent donc avoir particulièrement tendance à discriminer les gens d’autres groupes lorsqu’ils estiment leur santé menacée. La peur de l’autre peut-elle faire oublier à certains que ceux qui leur sont semblables peuvent eux aussi être porteurs des pathogènes si craints ? En effet, les premiers infectés par la COVID-19 au Québec n’étaient pas d’origine asiatique. Les réflexes psychologiques, bien qu’ils soient destinés à assurer la survie du genre humain, semblent donc ne pas être toujours adaptés au monde moderne.

— Mathieu Caron-Diotte, étudiant au programme de doctorat en psychologie à l'Université de Montréal

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