Nobel-medailles

Sur les 9 personnes qui se sont partagé cette année les Nobel de science (médecine, physique et chimie), 6 travaillent aux États-Unis, dont 3 qui n’y sont pas nées. Une réalité qui revient année après année mais qui, si la tendance se maintient, pourrait un jour appartenir au passé.

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La production de science aux États-Unis a immensément bénéficié d’un apport massif d’argent du gouvernement fédéral à partir du milieu du 20e siècle. Comme l’ont écrit plusieurs auteurs depuis, c’est ce qui a fait des États-Unis, après la Deuxième Guerre mondiale, une puissance mondiale pour la recherche fondamentale et appliquée, du secteur médical jusqu’à celui des technologies. Cette puissance scientifique est devenue, depuis les années 1950, une force d’attraction pour des étudiants de partout à travers le monde, dont un grand nombre sont ensuite restés dans les universités américaines et ont contribué à la croissance économique de leur nouveau pays.

« La recherche fondamentale est le stimulant du progrès technologique », avait écrit en 1945 l’ingénieur Vannevar Bush (1890-1974), alors directeur du Bureau fédéral de recherche scientifique et de développement, dans son rapport Science, The Endless Frontier. Soumis au président Harry Truman, ce document est souvent présenté comme l’inspirateur d’un système d’investissements fédéraux dans la recherche, à travers notamment les organismes subventionnaires que sont la National Science Foundation et les National Institutes of Health (NIH) —système dont s’inspireront plusieurs autres pays. 

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En sciences biomédicales par exemple, ce sont des recherches dites « fondamentales », pour comprendre comment telle molécule interagit avec tel type de cellules de notre corps, qui ont rendu possibles —et rendent encore possibles— le développement de recherches dites « appliquées » sur de nouveaux médicaments. C’est au sein du ministère américain de l’Énergie et du NIH qu’est né en 1988 le Projet génome humain; la génomique est ensuite devenue, dans les années 1990, une collaboration scientifique internationale puis, dans les années 2000, un véritable secteur économique générateur d’emplois. 

Or, le futur pourrait être très différent, dans un contexte où le gouvernement Trump coupe radicalement dans les budgets fédéraux dévolus à la recherche, démantèle des agences gouvernementales et s’attaque aux universités par la voie des tribunaux ou par de la coercition. En plus de défendre des politiques anti-immigration qui ont pour effet tangible, depuis le début de l’année, de détourner des étudiants étrangers des universités américaines.

« Pour la première fois depuis que le système moderne fédéral de recherche a été établi après la Deuxième Guerre mondiale, le financement de la science aux États-Unis fait face à de sévères coupures », commentait cet été le magazine American Scientist. Ce qui se passe en ce moment, commentait pour sa part un économiste associé à l’Institut Brookings —groupe de réflexion politique basé à Washington— c’est un renversement d’un « consensus bipartisan pour une recherche financée par le fédéral » qui, pendant huit décennies, avait contribué à faire des États-Unis un chef de file « dans la science, la croissance économique et les innovations qui ont sauvé des vies ».

Ces coupes auront donc un impact immédiat sur des choses aussi diverses que la santé publique, la sécurité des citoyens ou la protection de l’environnement. Mais à plus long terme, elles auront un impact sur la qualité de l’enseignement et de la recherche… et sur les pays qui hériteront des futurs Nobel.

Par exemple, plus du quart des 209 récipiendaires mondiaux du Nobel de physique depuis 1901 étaient des immigrants, avait calculé en 2019 le magazine Physics World. Sur ces 54 lauréats, les États-Unis en avaient attiré 33 et n’en avaient perdu que deux. 

Si on ne calcule que les lauréats américains depuis l’an 2000, c’est près de la moitié qui sont nés à l’étranger pour les prix de chimie et de physique, et le tiers pour ceux de médecine. 

Le phénomène s’étend au prix de la Banque de Suède en sciences économiques, communément appelé le « Nobel d’économie »: depuis 1969, la majorité des lauréats travaillaient dans des institutions américaines, et un tiers d’entre eux étaient nés à l’étranger. 

Le 3 octobre, à quelques jours de la remise des prix 2025, la vice-présidente de l’Académie royale des sciences de Suède, Ylva Engstrom, rappelait en entrevue que la « liberté académique » est « un des piliers d’un système démocratique » et qualifiait d’inquiétantes les mesures restrictives instaurées à Washington: « à court et à long terme, elles peuvent avoir des effets dévastateurs ».

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