
Le projet de « grande muraille verte de l’Afrique » piétine, selon une nouvelle étude. Même là où des communautés plantent de nouveaux arbres, peu survivent. Et elles sont peu nombreuses à en planter.
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Lancé en 2007 par l’Union africaine, il s’agit d’un projet d’une « bande verte » de plus de 8000 km de long et de 15 km de large, aux limites sud du désert du Sahara. L’objectif est de bloquer l’avancement du désert. En freinant la désertification dans 11 pays du Sahel, on protégerait l’agriculture et contribuerait à l’autonomie alimentaire de la région. On réduirait les migrations forcées et on combattrait peut-être même l’extrémisme.
Mais deux décennies plus tard, le projet n’est complété qu’à 30%, selon une estimation parue l’an dernier. Et l’objectif initial était d’avoir terminé le travail en 2030.
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Dans la nouvelle recherche, parue récemment dans la revue Land Use Policy, on apprend qu’au Sénégal, l’un des pays les plus engagés dans le projet, seulement une des 36 régions où des arbres ont été plantés est plus verte qu’elle ne l’aurait été sans intervention humaine.
Les deux raisons les plus probables, avancées par les chercheurs: les plants meurent lorsque les précipitations sont insuffisantes, ou bien ils sont mangés par le bétail là où il n’y a pas de clôtures.
Dans le passé, les gouvernements ont souvent calculé l’état d’avancement de cette initiative sur la base du nombre d’arbres plantés (il en faudrait un milliard, estimait-on il y a deux décennies). Mais pour vraiment mesurer le succès ou l’échec de cette opération de verdissement, il faudrait plutôt utiliser des données satellites, poursuivent les chercheurs.
« Après deux décennies, même si on prend en compte que tout l’argent promis ne s’est pas matérialisé, les résultats devraient être visibles », écrivaient le 7 octobre deux des chercheurs sur le site universitaire The Conversation. Ils font allusion au fait que les pays riches avaient promis plus de 20 milliards$ pour soutenir le projet, mais que seule une fraction de cet argent a été versée. Les demandes pour des projets locaux doivent passer par un long processus d’approbation, et lorsque le projet est approuvé, la distribution des fonds au niveau local fait défaut.
C’est sans compter le fait qu’on n’a pas encore fait la preuve qu’il s’agit de la meilleure idée pour une région aussi immense —soit des côtes de l’Atlantique jusqu’à celles de la mer Rouge. Déjà, il y a 10 ans, des experts avouaient leur scepticisme: est-ce la bonne méthode pour freiner l’avancement du désert ? Le terme « désertification » englobe plusieurs modification aux écosystèmes et aux sociétés humaines: lesquelles ce projet est-il censé renverser? Et est-on même si sûr qu’on puisse parler d’une « avancée » uniforme du désert sur l’ensemble du continent? Par exemple, il y a 10 ans, un organisme européen d’aide au développement, Wetlands International blâmait la mauvaise gestion de l’eau comme la première responsable de l’avancée du désert dans certaines régions.
Le lac Tchad est un cas à part : situé à cheval sur quatre pays (Niger, Nigéria, Tchad et Cameroun), il ne couvre plus que le dixième de ce qu’était sa superficie d’il y a 60 ans. Or, ce sont les barrages pour l’irrigation des cultures, et non la désertification, qui sont responsables de son déclin. Planter des arbres —la bande verte doit passer à travers les rivières qui se jettent dans le lac— ne renversera pas le processus.
Toutefois, il demeure possible de changer des pratiques au niveau local. Au Niger, dès les années 2000, puis au Mali dans la décennie suivante, tout en soutenant le projet de muraille verte, les gouvernements avaient encouragé les fermiers locaux à entretenir les arbres déjà présents aux limites du désert, plutôt que de couper ceux qui empiétaient sur leurs terres agricoles. Cela s’est traduit par une croissance plus naturelle des arbres, apportant de la fraîcheur pour les humains et les troupeaux, et contribuant à régénérer les sols.