Il y a d’abord eu le gouverneur de l’État de New York qui, tout démocrate qu’il soit, a surpris tout le monde mardi —au lendemain du passage de l'ouragan— en échappant que « nous avons maintenant une tempête censée survenir une fois par siècle, tous les deux ans ». Et pour être sûr d’être compris des journalistes, il en a rajouté :
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Il y a eu une série d’événements météo extrêmes. Ce n’est pas une déclaration politique, c’est factuel. Quiconque prétend qu’il n’y a pas de changements dramatiques dans les tendances météo est en train de nier la réalité.
Et puis, s’est ajouté le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, républicain bon teint et grand ami de Mitt Romney, à en croire ce que tous les journalistes présents ont tenu à souligner. Non content d’encenser Obama pour sa gestion de la crise, ce qui a mis les commentateurs dans tous leurs états, le gouverneur a semblé être à deux doigts d’endosser aussi les changements climatiques. Du moins, les journalistes politiques qui le suivaient ont bien essayé :
Lorsqu’interrogé [mercredi] pour savoir s’il croyait que la météo extrême était causée par les changements climatiques, il a déclaré qu’il n’avait pas d’opinion « parce que je n’ai pas le temps d’y penser ».
Et voilà que, en couronnement, le maire de New York Michael Bloomberg —républicain en 2004, aujourd’hui indépendant et, accessoirement, milliardaire— ne se contente pas d’endosser Obama —rien que ça, aurait suffi à donner à tous les journalistes politiques du pays leur manchette du jour— mais donne en plus, comme principale raison, les changements climatiques.
L’un des candidats voit les changements climatiques comme un problème urgent qui menace notre planète. L’autre, non. Je veux que mon président place les faits scientifiques et la gestion du risque au-dessus de la politique électorale.
Voilà donc des médias qui, quelques jours plus tôt, avaient honte d’admettre que pas une seule question sur le climat n’avait été posée lors des trois débats présidentiels, et qui se rendent soudain compte que, à leur insu, le climat s’est invité dans la campagne électorale par la porte d’en arrière.
Peut-être parce que, New York, c’est New York. Le centre du monde médiatique, ou plus exactement le coeur de la planète de l’information, bat dans ces quelques kilomètres carrés qui ont reçu Sandy en plein visage. Alors c’est l’exact envers de l’arbre qui tombe dans une forêt où personne ne l’entend.
Si c’était ce que ça prenait pour que le climat s’insère dans cette campagne électorale, y a quelqu’un, quelque part, qui y a mis le paquet.
Ce sera peut-être le coup de pouce dont avait besoin Obama —on citait mardi dernier des chercheurs affirmant que la météo a souvent joué un rôle dans une élection. En plus, ça a donné aux réseaux de télé un prétexte pour faire jouer et rejouer la déclaration de Mitt Romney, en août, qu’il trouvait très drôle à ce moment, sur ce président qui se soucie moins des familles que de la hausse du niveau de la mer. Ha ha.
Mais au-delà de cette petite politique partisane, c’est la réaction des médias qui me fascine. Un sujet dont aucun journaliste politique n’avait le temps de parler il y a une semaine est partout, depuis dimanche. Dans les 48 heures avant Sandy, alors qu’il devenait évident que l’ouragan n’allait pas se dissiper dans l’Atlantique, tout le monde voulait son expert : Sandy est-il causé par le réchauffement? Ou bien amplifié? Quel rôle joue la fonte de l’Arctique? Y aura-t-il davantage de Sandy dans le futur? Dans les 48 heures suivantes, même les commentateurs de droite et climatosceptiques de service ont semblé temporairement à court d’arguments.
Oh, ils vont s’en remettre. Je prend des paris sur le temps qu'il faudra à un animateur de radio-poubelle pour dire que Sandy était un complot de la gauche.
Mais dans l’après-Sandy, le silence du climat va être plus difficile à justifier dans les salles de rédaction. Quand même Business Week sent le besoin de titrer en lettres de 3 mètres de haut que le réchauffement climatique est une réalité et une menace, c’est que la communauté des affaires sent le besoin de faire passer un message. Quand le maire de New York déclare qu’il est temps de penser à adapter rivages et infrastructures aux futurs soubresauts du climat, ça l’emporte, chez tous les chefs de nouvelles, sur les élus de Caroline du Nord qui tentent de légiférer contre l’océan.
Le vent tourne, et il n’y a pas que les éoliennes qui vont le sentir.