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Voilà la nouvelle que les amateurs de cellules souches attendaient depuis une éternité: on aurait enfin réussi à prendre des cellules humaines, et à les cloner pour en faire des cellules souches. Sauf qu’au-delà du gros titre, c’est beaucoup moins solide que ça en a l’air.

En fait, personne, cette fois, ne se risque à annoncer qu’on s’est approché d’un traitement médical. C’est que la dernière fois qu’une semblable annonce a été faite, en 2004, ça s’est transformé en l’une des plus grosses fraudes de l’histoire récente des sciences.

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Au point où une grosse différence ressort aujourd’hui : nulle part dans cette nouvelle étude le mot «clonage» n’est-il employé par les chercheurs.

Qu’est-ce qu’une cellule souche?

Retour en arrière. On appelle cellule souche une cellule qui ne s’est pas encore spécialisée et qui, en théorie, pourrait être «programmée» pour se transformer en n’importe quel organe ou tissu de votre corps.

Les cellules souches qui attirent davantage l’attention sont celles d’un embryon, pendant la brève période où il n’est constitué que de cellules souches. Mais il serait théoriquement possible de prendre n’importe quelle cellule de votre corps, de la déprogrammer pour qu’elle redevienne une cellule souche, puis de lui ordonner de se transformer, par exemple, en un poumon. On aurait donc, littéralement, cloné votre poumon.

C’est cette perspective qu’on entrevoyait lorsqu’en février 2004, le Dr Hwang Woo Suk avait annoncé, dans la prestigieuse revue Science, avoir réussi le premier clonage de cellules souches humaines. Puis, en mai 2005, le premier clonage en série: 11 lignées de cellules humaines.

Lorsqu’il fut révélé que le chercheur sud-coréen avait menti sur toute la ligne, ou presque, l’opprobe a rejailli sur la recherche en général, qui a alors reculé de plusieurs années.

Au point où l’équipe du Laboratoire de la Fondation sur les cellules souches de New York, qui a produit la recherche parue mercredi dans la revue Nature, donne l’impression d’être revenue à la case départ, là où Hwang avait prétendu s’être rendu: prendre le noyau d’une cellule d’un patient (là où se trouve son ADN) et l’implanter dans un ovule dont on a préalablement retiré le noyau. Puis, faire en sorte que cet ovule commence à se diviser, comme s’il était un nouvel embryon. Si ça marche, on obtient des cellules souches censées être les clones du patient.

Cellules souches d’embryons ou adultes?

Or, depuis Hwang, il y avait eu du neuf. En 2007, l’équipe du Dr Shinya Yamanaka frappait un grand coup : elle réussissait à produire de telles cellules souches sans avoir à passer par un ovule, avec toutes les controverses que ça implique.

Mais cette méthode était-elle aussi efficace qu’elle en avait l’air? Apparemment pas : d’autres études ont révélé depuis 2007 qu’elle génère des anomalies génétiques. Par contre, la méthode «traditionnelle» présente ses propres difficultés: elle nécessite des dizaines, voire des centaines d’ovules pour chaque expérience, et les ovules humains ne s’achètent pas au supermarché.

Pour 23 chromosomes de plus

Scott Noggle et Dieter Egli, ceux qui publient cette semaine dans Nature, ont donc décidé de revenir en arrière, à la méthode «traditionnelle», en cherchant à la rendre plus efficace. Et ils ont effectivement réussi à créer une nouvelle lignée de cellules souches... mais sans aucune utilité médicale. Parce que leurs «embryons», plutôt que d’avoir 23 paires de chromosomes comme nous, en ont 23 de plus.

La cause de ce léger supplément: en cours de route, Noggle et Egli se sont aperçus que s’ils inséraient le noyau de la cellule à cloner (avec ses 46 chromosomes) dans un ovule dont ils n’ont pas retiré le noyau (les 23 chromosomes supplémentaires), l’embryon se développait plus longtemps que d’ordinaire. Jusqu’au stade appelé blastocyste, là où il devient possible de prélever des cellules souches.

L’éthique est remise à une date ultérieure

Pour les éthiciens, il y a de quoi s’arracher les cheveux. Les biologistes ont toujours dit qu’un embryon produit à partir d’un ovule seulement n’était pas viable et donc, ne pourrait pas être considéré comme un être humain en devenir. Cela n’a pas empêché les analyses sur l’éthique et la morale de rouler à plein rendement. Mais avec 23 chromosomes de plus, à quoi a-t-on affaire?

Eh bien ça porte un nom: un triploïde —trois groupes de chromosomes. Ce type de cellule est généralement instable, possiblement cancéreux et ne pourrait pas, jusqu’à preuve du contraire, être injecté dans un patient. Autrement dit, on est loin, même très loin, d’un éventuel traitement. Quoique, selon l’éditorial de l’édition de mercredi de Nature :

À présent, les chercheurs ont à prouver que leur travail constitue un pas vers une lignée de cellules souches bio-médicalement utile. Les auteurs sont confiants qu’ils peuvent produire une lignée à partir d’un embryon diploïde «normal», comme Hwang prétendait l’avoir fait.

Donc, à quoi ça sert?

On pourrait croire que cette expérience a conduit à une impasse. Pourtant, elle n’est qu’une partie d’un casse-tête plus vaste : comprendre pourquoi les cellules souches du Dr Yamanaka génèrent des anomalies génétiques. Yamanaka et son équipe avaient identifié quatre protéines permettant de ramener la cellule à son stade de cellule souche. De toute évidence, il y a davantage qui nous échappe.

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