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Il y a des records qu’on voit tellement venir que leur confirmation semble banale. Ainsi, l’annonce, ce lundi, que la banquise qui recouvre l’océan Arctique avait battu son record de fonte. Et pourtant, les experts, eux, loin d’être blasés, voient plutôt dans cette confirmation un scénario du pire.

«Avec chaque année qui passe sans qu’on ne voit un retour aux conditions climatologiques estivales de l’Arctique d’avant 2007, il semble de plus en plus probable que les changements remarquables dont nous sommes témoins se révéleront irréversibles», déclare dans le New York Times le climatologue de l’Université de Washington Mike Wallace.

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Certes, insiste-t-il, on ne peut pas entièrement exclure que tout ceci ne soit que le résultat de variations naturelles; mais la chose semble hautement improbable, à cause de la vitesse à laquelle les conditions sont en train de changer.

Ce 27 août donc, l’agence américaine NSIDC (National Snow and Ice Data Center) a confirmé que la glace couvre moins de 4,1 millions de km2, battant le record de 2007 (4,2 millions de km2). C’est d’autant plus fort que l’été n’est pas fini : la glace en a encore pour deux ou trois semaines à rétrécir, avant que l’hiver ne reprenne ses droits.

La NSIDC note aussi que depuis 33 ans qu’existent ces relevés satellite, les six années avec la plus faible couverture de glace à la fin de l’été... sont les six dernières (2007 à 2012).

Les agences japonaise, norvégienne et danoise, arrivent sensiblement aux mêmes chiffres. Et rappelons qu’il y a quelques semaines, on apprenait que le Groenland vivait lui aussi une importante fonte cet été.

Le scénario du pire

Or, c’est ce vaste ensemble qui constitue le scénario du pire aux yeux des scientifiques:

  • un changement majeur semble en train de se produire dans l’Arctique, trop vite pour que les climatologues puissent prendre le temps de le comprendre;
  • ce changement semble même s’accélérer, ce qui était prédit par les modèles, mais pas avant des décennies;
  • et les compagnies pétrolières en profitent déjà pour commencer à s’installer là-bas, au grand dam des biologistes qui, eux non plus, n’arrivent pas à anticiper.

Le journaliste, auteur et activiste environnemental George Monbiot s’en indigne dans sa chronique du quotidien britannique The Guardian :

Nos gouvernements ne font rien. Ayant abandonné toute prétention à répondre à la crise environnementale pendant le Sommet de la Terre de juin, ils restent à présent inactifs tandis que la glace dont nous dépendons se dissout. Rien —ou pire que rien : la seule réponse sans équivoque à cette fonte a été de faciliter la capture du pétrole et des poissons que cela expose au grand jour.

Coïncidence? Dimanche dernier, Shell a demandé aux autorités américaines une extension de la période qui lui avait été accordée cette année pour effectuer un forage pétrolier expérimental au nord-ouest de l’Alaska. De l’autre côté de l’Arctique, en territoire russe, la compagnie pétrolière Gazprom fore d'ores et déjà, près de la mer de Barents.

Comme le rappelle le blogue Arctic Sea Ice , les glaces de l’Arctique ne sont pas juste une nuisance pour la navigation: elles constituent un élément-clef de la régulation des climats de l’hémisphère nord... depuis des millions d’années. Personne ne peut prédire l’impact qu’aura sur les courants marins et atmosphériques un océan soudain libre de glace pendant tout l’été, voire à l’année longue —même ce dernier scénario, hier hautement hypothétique, devient vraisemblable.

Dans son dernier rapport, en 2007, le Groupe des Nations Unies sur les changements climatiques (le GIEC) notait prudemment que «certaines projections» faisaient état d’une disparition complète des glaces de l’océan Arctique à la fin de l’été... vers la fin du 21e siècle. Symbole de l’accélération des changements dans l’Arctique, on ne parle plus juste de « certaines projections »: une telle disparition estivale pourrait se produire dès la prochaine décennie.

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