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D’abord, il y avait ce qu’on appelait l’affaire Snowden: nous sommes tous espionnés. En fin d’année, il y a eu ce qu’on appellera peut-être l’effet Corée du Nord: nous pouvons tous être censurés. Le lien? Une prise de conscience que ces technologies qui nous sont si utiles vont nous obliger à faire des choix.

 

Et certains d’entre nous ont déjà commencé, discrètement. Selon une étude menée en octobre dans 24 pays par un groupe de réflexion sur la gouvernance appelé CIGI, 39% des gens qui ont entendu parler d’Edward Snowden ont posé un geste pour protéger un peu plus leur intimité en ligne. C’est peu, disent les uns, mais c’est considérablement plus que ça ne l’aurait été, si les choses avaient poursuivi leur petit bonhomme de chemin.

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Qui plus est, en cette fin d’année, ce n’est plus juste Edward Snowden et ses révélations sur les espions américains —et leurs alliés— qui écoutent chacun de nous qui provoquent un malaise... C’est Home Depot, victime en septembre d’un des plus gros vols de données personnelles de l’histoire —56 millions de dossiers de cartes de crédit (le Scientific American en fait son 9e plus important événement de l’année en science et technologie). C’est Facebook qui manipule nos humeurs et nos émotions en changeant ses algorithmes, juste pour voir si nos comportements vont changer. C’est le service de covoiturage Uber qui, en novembre, a révélé son je-m’en-foutisme des données personnelles de ses clients. Et pour finir, c’est le géant du divertissement, Sony, qui, face à un piratage informatique, se sent obligé de retirer des écrans du monde entier un film de fiction —de quoi donner des idées à beaucoup de groupes d’intérêt la prochaine fois qu'ils seront mécontents d’un documentaire ou d’un reportage.

Le chroniqueur du New York Times Frank Bruni écrivait dimanche dernier que tous ces dérapages ont donné un visage, et même plusieurs, à cette crainte d’un oeil qui regarde par-dessus notre épaule. «Vous ne pouvez plus assumer que ce qui est censé n’être lu que par un autre individu ne trouvera pas son chemin vers des centaines, des milliers, même des millions.»

C’est peut-être le journaliste Glenn Greenwald qui a raison, dans son livre Nulle part où se cacher paru cette année. Lui qui a contribué, depuis juin 2013, au déballage de révélations d’Edward Snowden, analyse le tout dans des termes non pas technologiques, mais philosophiques: le but des autorités, dit-il, n’est pas vraiment de lire tous nos courriels. Le but est de nous faire savoir qu’il est possible de les lire.

Quand les individus se savent observés, ils changent radicalement de comportement. Ils s’efforcent de faire ce qu’on attend d’eux. Ils veulent s’éviter toute honte et toute condamnation. Ils y parviennent en adhérant étroitement aux pratiques sociales couramment admises, en se cantonnant dans des limites acceptées, en évitant toute action susceptible de paraître déviante de la normale.

 

C’est dans ce contexte que les auteurs de l’étude du CIGI (Centre for International Governance Innovation) mentionnée plus haut se réjouissent: 39% des internautes qui ont posé un geste en 2014 pour protéger leur intimité en ligne, ça représente des centaines de millions de personnes, dont un grand nombre qui sont peu familiers avec la technologie. Une évolution à suivre en 2015.

 

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