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Favoriser un environnement urbain vert et accueillant pourrait améliorer la santé mentale des patients atteints d’infections pulmonaires. Une question de santé publique que deux chercheurs montréalais mettent de l’avant dans un projet réunissant médecine et… géographie.

Un quartier qui se marche et où l’on peut facilement avoir accès à un centre de soins contribuerait, disent-ils, à améliorer la santé globale des malades, particulièrement ceux atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). « Une grande majorité des patients MPOC, aux troubles respiratoires constants, sont issus de quartiers défavorisés où il y a moins de ressources, d’environnement végétalisé et d’accès proche à un médecin », explique Grégory Moullec, du Centre de recherche — Axe maladies chroniques au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal.

La maladie pulmonaire obstructive chronique réduit les capacités respiratoires des patients. Ils voient leur qualité de vie fortement réduite en raison de nombreux symptômes, notamment des toux, des sécrétions et des essoufflements continuels. Dépistées tardivement, ces personnes connaîtront de très nombreuses hospitalisations et verront leur qualité de vie fortement diminuée.

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De plus, cette maladie n’est pas réversible, avec pour conséquence qu’une personne sur cinq développera également un problème de santé mentale. « Le patient sait que sa santé est vouée à se dégrader et qu’il n’y a pas de progrès possible, ce qui entraîne un certain fatalisme », explique encore le chercheur qui a étudié l’impact du risque d’exacerbation de la maladie (MPOC) et la santé psychologique des patients. Cette détresse psychologique prend la forme d’anxiété et de dépression mais pourrait être un facteur de comorbidité et de mortalité chez ceux qui en souffrent, en plus de contribuer à exacerber les symptômes de la maladie.

C’est pour sortir les malades de ce cercle vicieux que le chercheur a participé à l’implantation d’un programme de suivi intégrant des exercices physiques, des conférences sur l’éducation à la santé et l’amélioration de la qualité de vie, ainsi qu’un support psychologique.

Ce programme de réhabilitation a été élaboré en France, à Montpellier, avec de bons résultats — les malades étaient encouragés à rester actifs à  intégrer des groupes de soutien de malades. « Le souci est que le malade conserve les bénéfices du programme et que sa santé mentale ne décline pas », soutient encore le Pr Moullec, qui est aussi professeur adjoint au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal.

Or, pour maintenir une activité physique régulière et recevoir un soutien psychologique, l’environnement urbain du malade importe. C’est ce qui ressort d’une récente étude menée en Espagne sur « l’environnement socio-affectif » et les aménagements de proximité de patients atteints de MPOC. « Il y a des liens très forts entre le degré de « marchabilité » d’un quartier, la santé mentale et les maladies chroniques et cardiovasculaires », confirme le Pr Moullec.

Soutenir une vie sociale dynamique par la diversité des commerces et par la multiplication de lieux de rencontres — l’ajout d’un simple banc dans un endroit ombragé, par exemple — contribuerait donc à l’amélioration de la santé de la population locale.

Une question de géographie urbaine

Après l’initiative des Villes amies des aînés, pourrait-on voir des villes amies des malades ? Car différentes interventions sur le cadre bâti bénéficient en effet aux malades et à leurs proches : plus d’espaces verts, de trottoirs et de parcs, amélioration de la connectivité des rues et donc de leur degré de « marchabilité » — la possibilité de marcher entre deux points de rendez-vous.

« Des conditions économiques et un milieu de vie défavorables forment un double fardeau pour ceux qui y vivent. Moins de ressources et moins d’aménagements urbains contribuent à de mauvaises conditions de santé », soutient même le titulaire de la Chaire de recherche appliquée en interventions urbaines et santé des populations des Instituts de recherche en santé publique du Canada (Agence de la santé publique du Canada), Yan Kestens.

Kestens et Moullec ont donc unifié leur expertise pour analyser s’il est possible d’implanter un programme de soutien dans les quartiers du Nord de Montréal, mais aussi comment aménager des lieux plus bénéfiques aux patients atteints de MPOC — rues piétonnes, espaces publics aménagés, bancs de parcs, etc. —, sachant que de tels aménagements des quartiers ont une influence sur la qualité de vie physique et psychologique de tous.

« Cela n’a pas besoin d’être des aménagements compliqués et chers, certaines choses sont évidentes, par exemple les placottoirs ou l’ajout de bancs, et privilégier un mélange des usages — résidentiel, commercial, communautaire », note Kenstens, qui est aussi géographe urbain et chercheur du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM).

Il participe également à la recherche canadienne de données probantes sur les aménagements urbains et la santé publique (INTERACT). Cette initiative, qui se déploie à Montréal, Saskatoon, Vancouver et Victoria, étudie l’impact des changements de la forme urbaine sur la santé grâce à des capteurs mobiles ou des questionnaires.

Pour les chercheurs, il est temps de s'interroger sur l’étalement urbain et ses dommages au niveau de la santé. « C’est le temps d’un débat démocratique autour de nos décisions en matière d’aménagement urbain. Il faut redonner l’espace public à ceux à qui il appartient pour prioriser les déplacements locaux actifs et pas la voiture », relève encore Yan Kenstens.

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