« Les vaccins auraient dû être refusés. Tout ce qu’il y a dans les vaccins, c’est de la cochonnerie. Ce n’est pas pour protéger quelqu’un, c’est pour nuire et on a plus de chances d’attraper la Covid-19 que si on ne se fait pas vacciner ».
Ce texte est le premier de notre série de 4 articles sur « Les hésitants à la vaccination ».
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Écoutez également notre balado en 3 épisodes Nuances | À la rencontre des hésitants à la vaccination
Celui qui parle ainsi se nomme Sylvain. Ce menuisier de métier a 57 ans, trois enfants (13, 23 et 25 ans), vit à La Tuque et est non vacciné. Il explique pourquoi il refuse de se faire vacciner contre la Covid-19 et de faire vacciner son plus jeune garçon.
« C’est un petit gars sensible. Il sait que je suis contre. Ça ne le dérange pas, il a peur des aiguilles. J’en parlais avec mon frère —vacciné— qui a eu des effets secondaires (maux de tête, maux de cœur). Il m’appelle le conspirateur et me dit que je vais attraper la Covid. Je ne veux pas me faire vacciner. J’ai mes convictions —je pense que le gouvernement est orchestré par d’autres— et je vais résister le plus longtemps possible», ajoute-t-il.
Cette défiance est perceptible chez de nombreux hésitants de la vaccination. Fruit de méfiances diverses, elle s’exprime avec plus de virulence en temps de pandémie, mais elle n’est pas un phénomène nouveau. Cela fait longtemps que les experts constatent un recul de la confiance au sein de la population d’ici et d’ailleurs.
Ainsi, de nombreux Canadiens se méfient des gouvernements, des institutions, des médias traditionnels et de la science. Un sondage de Statistique Canada réalisé en 2020 montrait qu’un Canadien sur trois avait une faible confiance envers les autorités: entre 25% et 45%, suivant le niveau de gouvernement.
Ce niveau de confiance s’est avéré fortement lié à l’acceptation de la vaccination contre la Covid : chez ceux qui disaient avoir peu confiance dans les gouvernements provinciaux ou territoriaux, seulement 64% pensaient se faire vacciner.
Chez nos voisins américains, c’est pire. Deux Américains sur trois se méfient des autorités, comme le relève l’Institut Gallup.
Un récent sondage Léger, publié en février, montre que 14% des Canadiens se disaient même en colère face aux mesures gouvernementales: plus précisément 76% des personnes non vaccinées et 8% des vaccinées.
Au Québec, c’étaient 16% des personnes qui se disaient opposées à toutes les mesures sanitaires et demandaient à retrouver leur « liberté » pré-pandémique. Cela signifie que près d’une personne sur six était, à ce moment, probablement favorable à l’épanchement des klaxons frustrés retentissant à Ottawa et à Québec. Rappelons qu’à ce moment, 10% de la population adulte n’était toujours pas vaccinée.
La défiance envers les autorités
Retour à La Tuque. Loin de la télévision et des journaux, Sylvain s’informe principalement sur Internet. «Je m’informe de tout sans avoir la télé ou le câble. Je fais mes recherches sur le Net. Généralement, je tombe par hasard sur une information qui m’intéresse et je vais la lire. Les gouvernements ne veulent pas que la vérité se sache, ce sont tous des menteurs et des corrompus », tranche-t-il.
La manière dont le gouvernement a tenté de persuader la population de se faire rapidement vacciner l’été dernier, lorsque les vaccins ont été disponibles au plus grand nombre, lui a déplu. Le fait que Québec ait institué en août une loterie pour les gens qui accepteraient de recevoir une première dose, lui fait croire qu’il y a « anguille sous roche. Ils veulent le plus de monde possible pour faire baisser la population mondiale. Ils sont parvenus à développer trois vaccins différents en seulement un an alors que cela prend huit ans normalement pour en faire un », croit-il.
Je m’inquiète surtout pour les enfants, pour les générations à venir comme parent et pour ce qui s’en vient. Cela ne va pas être beau. Il va y avoir des guerres civiles un peu partout. On n’a plus le droit de décision sur nous-même », ajoute-t-il.
Et il en voulait aussi au passeport vaccinal et au retour au confinement à Noël. « Le droit de sortir, personnellement, cela ne me touchait pas car je sors peu, mais cela me choque car ça contrevient à la Charte des droits et des libertés. Ils n’ont pas le droit mais ils le font pareil. Ils sont à la solde d’un gouvernement mondial pour faire tomber les gouvernements des États, et en arrière, il y a les multinationales qui décident et prennent les décisions finales ».
Méfiance envers les autorités et pensée complotiste
Cette vision que l’on caractérise parfois comme pensée complotiste, serait partagée à des degrés divers par les personnes d’abord et avant tout méfiantes des autorités. Les décisions qui proviennent des organes du pouvoir —auxquels appartiennent les institutions de santé et ceux qui y travaillent— sont donc remises immédiatement en question.
Près d’un Canadien sur quatre (23,9%) adhèrerait à l’une ou l’autre des théories du complot qui circulent face à la Covid-19, selon une étude de l’Université de Sherbrooke.
« La pandémie rend plus hétérogène qu’avant l’hésitation vaccinale », résume le Pr Olivier Champagne-Poirier, du département de communication de l’Université de Sherbrooke. « Cela va toucher tout le monde. La scolarité, le revenu ou le genre, auront peu d’impact. Ce qui en a, c’est la stratégie d’information et l’attitude conspirationniste. Cette pensée conspirationniste va être liée à une plus faible vaccination. »
« Je ne fais pas confiance aux gouvernements»
À des centaines de kilomètres de là, à Montréal, Jean-Yves fait lui aussi des critiques de la gestion de la crise sanitaire. « L’histoire se répète et je ne fais pas confiance aux gouvernements. Il y a un message unique et pas de place pour les débats. C’est un peu comme la Pravda, on l’a vu avec le Dr Raoult qui est un contre-pouvoir scientifique et dont on entend peu parler ici. Lorsqu’on regarde les statistiques, la Covid, ce n’est pas la peste. Par contre, ici, c’est dans les CHSLD que cela se passe : les vieux tombent comme des mouches et meurent de façon indigne. Les gouvernements vont se faire juger pour cela. On me demande ma confiance, mais jamais de la vie, et je ne comprends pas que tout ça reste sous silence. »
Le peintre en bâtiment de 53 ans de Saint-Léonard, père d’une fille de 20 ans, se dit politisé et en faveur de la liberté de choix pour sa santé. « Dans la famille, on est fait solide et je travaille dans la poussière. J’ai un rhume une ou deux fois par année, cela dure du vendredi au dimanche et cela ne m’empêche pas de retourner travailler. À la job, il y a un gars vacciné qui me demandait de quoi j’avais peur. C’est ma logique à moi. J’ai un sentiment profond de l’importance de la liberté et on ne me fera pas aller contre moi. Si je décide de le faire, j’irai le faire mais je ne dis pas aux autres quoi faire et je ne veux pas qu’on me dise quoi faire non plus! »
« Je ne suis pas un antivaccin, j’ai fait le choix de ne pas me faire vacciner. Je n’ai pas de problèmes avec les vaccins et je trouve le discours des antivax extrêmement réducteur. J’ai reçu un rappel de tétanos lors d’une blessure et ma fille a reçu la plupart des vaccins. Je me base sur l’information scientifique et je m’informe beaucoup. Si je veux voyager à l’étranger, j’irai à la clinique de vaccination recevoir les vaccins des maladies courantes, je n’ai pas de problèmes avec ça. »
Jean-Yves ne va pas sur les réseaux sociaux, il préfère s’informer auprès de gens qui commentent l’information, notamment sur Fox News et les chaînes françaises France 2, TV Libertés, Sud Radio. « Ils reçoivent des médecins et sont beaucoup plus objectifs que ce qu’on entend ici. J’ai besoin de débats. En ce moment, ce qu’on voit, ce sont deux groupes, un pour et un contre, qui se répondent l’un à l’autre. »
Le passeport vaccinal et les limitations aux déplacements ne l’ont pas plus indisposé que Sylvain : « Ça m’importe peu, je ne suis pas sorteux. J’aime être chez moi et cultiver mon projet de quitter la ville et d’avoir une terre. Je fais mon pain, mes saucisses, mes pizzas et j’ai commencé à jardiner sur mon balcon. Je n’ai pas souffert du confinement, ni du couvre-feu car j’étais à la maison à regarder beaucoup de documentaires, par exemple sur la permaculture. »
En revanche, il choisit avec qui parler de la Covid. « Et je le fais de moins en moins. Cela devient émotif et presque de la politique. Je choisis mes interlocuteurs, cela va dépendre si c’est quelqu’un qui est capable de regarder les deux côtés de la médaille ou pas et si la personne se pose des questions et s’informe largement. Le plus souvent, les gens ne sont pas ouverts », ajoute encore Jean-Yves.
Se détourner des médias
Dès février 2020, l’Organisation mondiale de la santé annonçait qu’en plus de vivre une crise sanitaire, nous vivions une infodémie – une épidémie de fausses informations (le terme remonte à 2003). Ce mélange de faits, de rumeurs et de peurs « se disperse plus rapidement et facilement que le virus et est tout aussi dangereux ».
L’accélération des fausses nouvelles en santé a pris un nouveau visage avec les réseaux sociaux. Ceux-ci sont une réponse à la méfiance croissante envers les médias traditionnels (mainstream). Mais surtout, ils permettent une exposition de manière très rapide, de proche en proche, à une foule de nouvelles qui, bien que non vérifiées, se retrouvent partagées entre des gens qui ont des affinités. On remarque ainsi un glissement des sources d’informations traditionnelles vers une manière alternative de s’informer qui ressemble au bouche-à-oreille d’autrefois.
Ce qui est documenté chez nos voisins américains par la Knight Foundation, qui suit depuis quelques années le phénomène: 44% des Américains ne font plus confiance aux médias traditionnels, quoique 64% se méfient tout de même des médias sociaux.
Seulement un Canadien sur cinq pratiquerait une bonne « hygiène d’information », selon le récent rapport national sur la confiance au Canada de la firme Edelman.
Ce rapport constate un lien avec la volonté de vacciner : 73 % des Canadiens ayant une bonne hygiène d’information étaient prêts à se faire vacciner au cours de la prochaine année, comparativement à 59 % des Canadiens ayant une mauvaise hygiène de l’information. Ce dernier terme n’est pas clairement défini, mais on sait que le défaut des médias sociaux, c’est qu’ils n’envoient à leurs usagers que des textes et des vidéos qui les confortent dans ce en quoi ils croient déjà. De nombreuses personnes hésitantes et résistantes aux vaccins vont alors s’enfermer dans leur bulle de filtre idéologique et même, adopter des comportements susceptibles d’être dommageables pour leur bien-être – dont l’isolement familial et social.
Ces comportements contribuent à alimenter leur anxiété et les poussent à se méfier encore plus. Ces personnes vont alors se camper sur leurs positions et se détourner de la vaccination. La méfiance à l’égard des médias s’allie évidemment à celle envers les autorités, donc aux institutions de santé, pour former un cocktail de défiance aux multiples ramifications.
« Je n’ai plus confiance dans les médias »
« Les médias propagent la peur », croit Zarah. La jeune femme de 25 ans qui travaille en marketing et ressources humaines, a reçu deux doses de vaccin, sans vraiment l'avoir voulu. « Je n’ai pas eu le choix sinon, je ne les aurais pas prises. Le vaccin pour cette maladie est venu du jour au lendemain et on ne connaît pas les effets à long terme. J’ai posé des questions sur tous les ingrédients mis dedans à l’infirmière qui m’a vaccinée et elle n’a pas pu me répondre » (rappelons toutefois que la liste des ingrédients du vaccin de Pfizer est publique).
« Je n’ai jamais eu peur de la Covid. Tous les membres de ma famille qui vivent au Liban ont été malades et personne n’en est mort. Alors qu’est-ce que ça va me faire, les vaccins ou la maladie, les deux comportent des risques, je pense. »
Autour d’elle, les opinions sont divisées. Elle a des amis aussi méfiants qu’elle, à commencer par son petit ami, dont le père —un médecin qui vit en Tunisie— s’affiche contre le vaccin. « Mon chum est plus complotiste et écoute beaucoup de chaînes, comme Fox News… Il est bilingue et lit beaucoup d’articles en anglais et me relaie des vidéos avant qu’elles disparaissent d’Internet. Moi, je ne suis ni complotiste, ni contre le gouvernement, mais il y a des choses que l’on ne nous dit pas », affirme-t-elle.
Elle trouvait notamment, lorsque cette entrevue a été faite en novembre, que les médias mettaient beaucoup d’emphase sur la Covid-19 et la pandémie, alors qu’il y avait bien d’autres maladies plus graves dont on ne s’occupe plus. C’est pour cela qu’elle avait décidé de ne plus écouter les médias « mainstream » qui faisaient le décompte des cas et des décès. Cette activité lui générait beaucoup de stress.
« Ils manquent souvent de pertinence en nous parlant tellement de la Covid et en nous faisant peur alors que le nombre de morts est moindre que celui de la grippe, dit-elle.
La comparaison avec la grippe est toutefois inexacte: l’Organisation mondiale de la santé évaluait, en 2019, que le nombre de décès causés par la grippe à travers le monde oscillait entre 300 000 et 650 000 par année. Alors que le nombre officiel de décès de la COVID a récemment dépassé les 6 millions, et pourrait en réalité être de 18 millions, selon une estimation publiée en mars.
Zarah s’est tournée vers Internet et les médias sociaux, ce qui lui permet de filtrer l’information dont elle veut vraiment entendre parler. « Je m’informe une fois par semaine, jamais par la radio et la télé. Je regarde les actualités de Google et différents journaux qui ne sont pas québécois. Je choisis les sujets et les articles et pas ce qui ne me sert à rien. Je sais ainsi ce qu’il faut savoir et j’évite la répétition pénible sur la Covid. »
Elle en voulait en novembre, elle aussi, au passeport vaccinal « qui enlève nos droits », et au sentiment de peur qu’il symbolise à ses yeux : « Les vaccinés ont peur de ceux qui ne le sont pas et les non-vaccinés sont mis à l’écart comme s’ils avaient la peste. »
Alors qu’elle hésitait à se faire vacciner, elle s’est sentie jugée, au point de devoir cacher à son entourage et au travail qu’elle ne l’était pas encore. « On m’a traité d’égoïste et on a critiqué mon choix. J’ai vu une grande fermeture d’esprit autour de moi ».
« Ça ressemble à une dictature »
Marie-Julie a ressenti aussi ce manque d’ouverture. L’étudiante universitaire de 40 ans, mère d’un enfant en 2e année du primaire, se méfie des médias. « Dès que l’on voit quelqu’un qui apporte un discours différent, on discrédite cette personne. Il n’y a pas place à des opinions différentes dans les médias. On parle aux gens comme à des enfants et on les maintient dans la peur. Cela ressemble à une dictature », juge-t-elle.
Marie-Julie ne craint pas la Covid et n’est pas vaccinée. Elle fait du sport, mange bien. « Je me suis adaptée. Les voyages me manquent plus que les restos mais je n’irais pas me mettre à risque », ajoutait-elle lorsque cette entrevue a été réalisée.
Son enfant a eu la Covid : « Il a eu un peu de fièvre pendant un soir, je n’ai pas pensé que c’était ça. Cela a bien été et cela a permis qu’il fasse son immunité, c’est pourquoi je ne le ferais pas vacciner pour ça. Ni contre la grippe, juste contre les maladies importantes, la polio, le tétanos. Il va se bâtir des anticorps qui vont guérir aussi autre chose. »
« Je n’écoute plus la télé, je l’ai fait au début, pendant des mois, mais c’est devenu pathétique. Lorsque les médias écrivent que tous ceux qui se posent des questions sont des complotistes, c’est pour diviser les gens. Je préfère suivre les publications de certains groupes sur Facebook. Je regarde tous les jours ce qui se publie là. »
C’est une amie québécoise qui a partagé ce qu’elle lisait et qui « m’a fait réaliser que je gobais tout. Même mon ex, qui a été se faire vacciner et était un peu fâché contre ma position, a changé de discours avec les effets secondaires qu’il a eu avec son vaccin.»
Médecins et système médical face à la suspicion
Ce ne sont pas seulement des gouvernements et des médias que certains Canadiens se méfient, mais aussi des médecins, des professionnels de la santé et des dirigeants de la santé publique. Il s’agirait surtout – et de manière synthétique – d’une méfiance face à ce qui est perçu comme le lobby pharmaceutique (le fameux « Big Pharma »), accusé de pousser à la consommation des médicaments et des vaccins pour une maximisation des profits.
« Je n’ai pas trop confiance en Big Pharma », explique Carla, 47 ans et mère de deux garçons (7 et 22 ans). « C’est lié aux questions que je me suis posées lorsque j’ai eu mon problème de santé ». Lorsqu’elle travaillait comme psycho-éducatrice dans une classe pour élèves en troubles du comportement à Montréal, il y a 17 ans, elle a été mordue par un enfant. Elle a alors reçu en urgence deux vaccins (hépatite B et tétanos) et des immunoglobulines, et elle attribue à ces traitements une synovite, une enflure du genou, qui l’a mise en arrêt de travail pendant trois mois.
À travers des analyses, les médecins auraient découvert « des anticorps antinucléaires dans mon sang, signe d'une maladie auto-immune —une sclérodermie dont l’espérance de vie est de 5 à 10 ans— ce qui m’a poussé à faire mon testament et vérifier mes assurances afin de protéger mon fils de 5 ans. »
« J'ai eu des doutes et fait des recherches pour voir si ça pouvait être une réaction à un vaccin. J’ai trouvé un article allemand qui décrivait exactement les symptômes que j'ai eus et qui parlait de la résorption de tous les symptômes après trois mois. C'est ce qui m'est arrivé. »
Si sa santé va mieux aujourd’hui, elle se méfie plus qu’avant du système médical qu’elle juge parfois insensible et sourd aux doléances de patients. Elle fait désormais partie de cette partie importante de la population qui croit pouvoir s’auto-diagnostiquer en lisant la littérature médicale. « Une simple recherche sur Google Scholar donne accès à de tels articles ». « Le plus difficile, je crois, c'est qu'aucun médecin consulté à l'époque – trois, quatre médecins consultés – n'a accepté de lire l'article. »
Et cela a engendré aussi de la méfiance envers les vaccins. « Chaque fois qu'il a été question de vaccin depuis, j'ai beaucoup cherché à m'informer avant de prendre mes décisions. Mes deux fils ont reçu leurs vaccins en bas âge. Pour mon deuxième, qui a maintenant 7 ans, je n'ai pas suivi le calendrier du Québec mais plutôt celui de la France, il a été vacciné seulement à l'âge d'un an. »
Avec la COVID, elle a tenté d’obtenir une exemption vaccinale « en raison de mon expérience antérieure avec un vaccin, mais on m'a informé que, considérant mon niveau de priorité », le rendez-vous pour une consultation pour évaluer cette exemption serait en août prochain. À l'époque du H1N1 en 2009, elle avait choisi de ne pas faire vacciner son fils, « malgré les pressions de mon ex-conjoint pour le vacciner, pour protéger son grand-père. »
« La gestion politique actuelle et tous les incitatifs ne me mettent absolument pas en confiance, disait-elle en janvier. Les alternatives au vaccin ne sont pas considérées pour l'accès aux lieux publics... Pour ma part, je veux une place pour le débat. La santé publique doit être vue dans toute sa globalité, pas juste pour les vaccins ».
La hausse des inquiétudes
Avec la pandémie, on assiste à une polarisation des discours autour de la vaccination, tout comme à une hausse de la méfiance envers le gouvernement, le système médical ou les médias, constate l’historienne de la santé de l’Université de Montréal, Laurence Monnais.
« L’hésitation à se faire vacciner est naturelle et présente depuis le début des campagnes de vaccination. Je remarque que les positions se radicalisent avec certains discours (« si tu hésites, c’est que tu es un idiot »). C’est un phénomène complexe et lourd de conséquences. Avons-nous fait assez de place à la conversation? », s’interroge la spécialiste des questions d’hésitation vaccinale au Québec et en Asie.
Selon elle, les gouvernements ont plutôt adopté une démarche autoritaire devant la menace de la Covid-19 et nous en constatons le résultat. De nombreux professionnels de la santé pas vaccinés ont été menacés de représailles alors que le milieu de la santé a dû demander de l’aide à nombreuses reprises pour remplir sa mission. « Plutôt que de rentrer en force et d’imposer cette vaccination, ce qui aura des conséquences sur les campagnes à venir, il aurait fallu miser sur le dialogue sur le long terme et développer des outils et des façons de faire qui soient inclusifs. »
Elle constate une déchirure du tissu social et la méfiance prend de nouvelles formes. Et la réflexion autour du phénomène de l’hésitation a été plutôt tardive. « Il est temps de miser sur un dialogue qui accepte les critiques légitimes (autour de l’argent des vaccins, par exemple) mais aussi s’intéresse aux angles morts de la campagne (racisme, manque d’accessibilité, multiples craintes) afin de faire la promotion du choix libre et éclairé de se faire vacciner », insiste notre experte.
À commencer par les peurs et les craintes que suscitent les vaccins et la vaccination. Ce sera d’ailleurs le sujet de notre prochain article sur la question de l’hésitation vaccinale dans les mots des hésitants.
Note : Certains prénoms ont été changés pour répondre à la demande d’anonymat réclamée par certaines personnes.