La rencontre de cette année sur les changements climatiques pourrait-elle être finalement celle où la question des « pertes et préjudices », fondamentale pour les pays en voie de développement, sera abordée?
Explication. Dans le jargon du droit international et surtout dans le jargon des conférences annuelles des Nations unies sur le climat (la COP27 a lieu en Égypte cette semaine), l’expression « pertes et préjudices (en anglais, loss and damage) réfère à un calcul; quelles compensations devrait recevoir un pays pour des dommages subis à cause de perturbations dont il n’est nullement responsable? Autrement dit, si un pays pauvre, qui a émis très peu de gaz à effet de serre depuis 40 ans, doit déplacer des routes ou des quartiers entiers à cause d’une hausse du niveau des mers causée par les gaz à effet de serre émis par les pays plus riches, ceux-ci ne devraient-ils pas avoir à payer une compensation?
Pour l’instant, rien de tel n’existe: cela obligerait les pays plus riches à se reconnaître une « responsabilité », ce qui, en termes légaux, en rebute plusieurs. Tout au plus un « Fonds vert » a-t-il été créé en 2009 pour aider les pays en voie de développement à financer des projets d’adaptation aux changements climatiques ou des actions d’atténuation des dégâts (par exemple, des barrières anti-inondations). Mais après une décennie, son budget est encore en-dessous de ce qui avait été espéré il y a une décennie.
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Plusieurs pays ont d’ores et déjà annoncé leur volonté de faire avancer ce dossier à Charm-el-Cheikh, la ville balnéaire égyptienne où se tient la COP27 du 6 au 18 novembre. L’un d’eux est le Pakistan, qui assume la co-présidence: il a déjà fait valoir en septembre que la facture des inondations qui ont ravagé cette année le tiers de son territoire, ne devrait pas être assumée par les Pakistanais seulement. Un groupe de près d’une centaine de pays dits « en voie de développement », regroupés sous le parapluie du « G77 », pourrait en théorie faire front commun sur cette question. Concrètement, cela voudrait dire créer un mécanisme de compensation financière qui ne serait pas basé sur des appels à projets, comme le Fonds vert, mais sur un calcul des coûts des dommages, et de la capacité des uns et des autres à payer.
La marche est haute, considérant que même la promesse de base acceptée lors de la conférence de l’an dernier, qui était que chaque pays soumette des cibles de réduction des gaz à effet de serre plus ambitieuses, n’avait été remplie, à la mi-octobre, que par 24 des quelque 200 pays.
Et avec l’invasion de l’Ukraine, la marche est encore plus haute que l’an dernier, résume au magazine environnemental E360 la chercheure britannique Ruth Townend : « l’insécurité alimentaire et énergétique, de même que la hausse dramatique des prix, ont fait reculer les changements climatiques dans la liste des priorités politiques ».
Le terme « pertes et préjudices » est apparu pour la première fois lors de la COP13, en 2007. Alors que les autres concepts -financement de l’adaptation, de l’atténuation, ou même financement de la transition vers les énergies vertes- ont depuis été pleinement acceptés, celui-là est demeuré dans les limbes, victime d’un blocage venu surtout, selon E360, des États-Unis et de l’Union européenne, qui craignent que ça les « expose à des défis légaux pour leur responsabilité dans les changements climatiques ». Par contre, à la COP26 de Glasgow l’an dernier, tout le monde s’était entendu sur la tenue d’un « dialogue » de trois ans pour faire avancer la question. Et dans la foulée des inondations au Pakistan, le Danemark est devenu le premier pays à offrir une aide financière (13,1 millions$ US) spécifiquement dévolue aux « pertes et préjudices », plutôt qu’à l’adaptation ou l’atténuation.