DDR-oceans

Une agence américaine a été accusée cette semaine d’avoir trafiqué des données dans le cadre d’une étude de 2015 sur les changements climatiques. Bien que l’accusation ait été publiée dans l’un des journaux les plus lus du monde anglophone, il s’est avéré rapidement qu’elle ne reposait que sur du vent. Mais comment peut-on juger de la véracité d’une telle accusation, quand on n'est pas soi-même scientifique ? Le Détecteur de rumeurs vous refile ses astuces !


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L’origine de la rumeur

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Dimanche dernier, le quotidien britannique à gros tirage, Daily Mail, publiait une entrevue avec un scientifique de l’Agence américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA), John Bates, dans laquelle celui-ci affirmait qu’une étude de sa propre agence sur les changements climatiques, publiée à l'été 2015, aurait « gonflé » ses données et court-circuité les étapes administratives censées mener à sa publication. L’étude réfutait, avec données de température à l’appui, l’idée souvent avancée par les climatosceptiques voulant que le réchauffement planétaire aurait connu une « pause » après 1998.

3 questions à se poser pour vérifier la solidité de cette accusation

1. S’agit-il d’un reportage équilibré ?

Confronté à une nouvelle comme celle-ci, où un chercheur en conteste un autre, le Détecteur de rumeurs commence par se demander si le reportage présente les deux côtés de la médaille ou s’il manque d’éléments essentiels à la compréhension du problème.

Dans ce cas-ci, tout le reportage du Daily Mail repose sur les propos d’un seul intervenant, John Bates. Celui-ci est décrit par le média comme un « scientifique à la réputation impeccable », sans donner la parole à d’autres scientifiques à la réputation tout aussi impeccable. Or, la réputation n’a jamais été un critère de preuve.

Déjà, une recherche par Google News effectuée moins de 12 heures après la parution du reportage permettait de trouver des chercheurs, des journalistes et des blogueurs qui pointaient des erreurs dans les affirmations de John Bates.

2. Fait ou opinion ?

La personne qui conteste une étude s’appuie-t-elle sur de nouvelles données ou s’agit-il d’une simple opinion ? Attention, met en garde le Détecteur de rumeurs : toutes les opinions se valent... tant qu’elles n’entrent pas en conflit avec les faits. 

Dans cet exemple, l’expert en données atmosphériques John Bates conteste, dans l’article du Daily Mail, l'étude de 2005 sur la base de deux arguments qu’il avance sans preuves :

1)  les résultats de 2015 auraient été gonflés ;

Bates se contente de prétendre que les données de 2015 n’ont jamais pu être vérifiées. Une affirmation dont les chercheurs, journalistes et blogueurs qui ont commenté depuis, ont démontré qu’elle était fausse : au moins deux autres équipes (ici et ici) sont arrivées aux mêmes résultats. Lorsque Bates affirme que les données n’ont pas pu être vérifiées il émet donc une opinion, mais il n’apporte pas de preuve.

2) les auteurs auraient court-circuité les étapes de validation de leur employeur, la NOAA, afin de pouvoir publier avant la conférence de Paris sur les changements climatiques.

Depuis sa première interview, et les vérifications qui ont suivi, c’est sur cette seule accusation que s’est replié Bates : après avoir été salué par le Daily Mail et par des politiciens américains climatosceptiques comme un « lanceur d’alertes », il a déclaré par la suite qu’il n’accusait personne d’avoir truqué des données, mais juste d’avoir choisi un moment stratégique pour publier. Là encore, aucune preuve n’est avancée.

3. Des résultats reproductibles ?

La reproductibilité des résultats est un élément crucial en science. Lorsqu’une étude a pu être reproduite par d’autres chercheurs, deux fois, cinq fois, dix fois, on peut affirmer sans aucun doute qu’il ne s’agit pas d’une simple d’opinion, mais bien d’un fait scientifique.

Il n’est pas nécessaire que tous les visiteurs du Daily Mail lisent ces études pour s’en faire une idée par eux-mêmes. Toutefois, une petite vérification de base afin de savoir si une étude contestée a bel et bien pu être validée ailleurs est à la portée de tous, suggère le Détecteur de rumeurs. Si aucune étude n’avait validé les résultats de 2015, John Bates aurait eu un bon point. Mais comme d’autres études existent, Bates aurait eu l’obligation d’expliquer comment il se fait que d’autres chercheurs, indépendants de ceux de 2015, étaient arrivés aux mêmes résultats, ce qu’il n’a pas fait et ce que le journaliste du Daily Mail n’a pas fait non plus.

Comme on l’a vu plus haut, dans cet exemple-ci, une simple recherche par Google News a permis de trouver des auteurs reprochant au Daily Mail les lacunes dans son analyse et pointant pour cela des sources solides pour détailler leurs arguments.

Le mot de la fin

La prochaine fois que vous serez confronté à un texte qui conteste une étude, rappelle le Détecteur de rumeurs, demandez-vous si le reportage a présenté un portrait complet du problème, si l’accusation s’appuie sur des faits ou sur des opinions, et si ces faits, le cas échéant, reposent sur des résultats qui ont été reproduits ailleurs. Ces questions sont d’autant plus légitimes ici, le Daily Mail étant un des journaux les plus lus du monde... et qui ne jouit pas d’une grosse crédibilité dans le milieu journalistique!

Ajout 19 octobre 2017: Le Daily Mail a admis son erreur et, comme l'exige la loi britannique, a dû publier un rectificatif.

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