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Depuis samedi dernier, le mouvement américain d’opposition à la vaccination s’est trouvé un nouveau combat: réclamer un débat entre un de leurs chefs de file, l’avocat antivaccin Robert F. Kennedy, et un scientifique qui défendrait le pourquoi des vaccins. Retour sur une mauvaise idée.

Tous ceux qui recommandent au spécialiste des virus Peter Hotez, de ne pas répondre à cette invitation, insistent sur la même chose: un tel débat n’éclairerait en rien le public et contribuerait plutôt à accroître la confusion sur ce qui différencie un fait scientifique d'une opinion. 

Comme le rappelle l’auteur Michael Simpson, du blogue Skeptical Raptor —spécialisé dans la lutte aux pseudosciences en santé— « les scientifiques débattent bel et bien d’affirmations et de conclusions, mais ils utilisent la science pour cela. Deux scientifiques qui sont en désaccord sur une affirmations devraient utiliser, comme ils le font en général, des études publiées pour « débattre ». »

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À l’évidence, il ne pourrait y avoir de débat rationnel si on mettait face à face un partisan de la Terre plate et un astronome. Ou un croyant en la création de la Terre en 6 jours et un biologiste, dans l’espoir qu'ils « débattent » de la validité de la théorie de l’évolution. C’est pourtant la position que prennent les adhérents à ces croyances, chaque fois qu'ils invoquent une fausse équivalence: c’est-à-dire l’idée selon laquelle toutes les opinions auraient une valeur égale et qu’il faudrait donc « en débattre ».

Un débat politique peut se contenter d’opinions contradictoires, quitte à le pimenter d’une bonne dose d’émotivité. Mais un débat scientifique sur une question qui a été étudiée depuis des décennies, nécessite des données probantes, appuyées sur des études. Or, les « activistes antivaccins », dénonce Michael Simpson, ne veulent pas aller dans cette direction parce qu’ils sont « paresseux » : « ils pensent que de passer quelques heures à faire une « recherche » sur Google, à lire d’autres négationnistes du vaccin, est suffisant pour comprendre l’immunologie, la virologie, la bactériologie, les vaccins et l’épidémiologie. »

C’est le même problème auquel l’auteur Tom Nichols avait consacré dès 2017 un livre entier, sous le titre La mort de l’expertise. « Internet est une arène dans laquelle les gens réagissent sans réfléchir et ainsi, deviennent occupés à défendre leur réaction viscérale plutôt que d’accepter une nouvelle information ou admettre une erreur. »

Mais c’est une notion difficile à faire comprendre cette semaine à ceux qui envoient des menaces de mort à Peter Hotez sous le prétexte qu’il ne veut pas débattre avec Robert F. Kennedy (RFK).

Toute cette histoire tourne autour de la populaire balado de l’animateur Joe Rogan, qui carbure à la polémique. Peter Hotez, qui est par ailleurs une figure médiatique connue, ayant souvent été invité sur les plateaux de télé depuis le début de la pandémie, a tweeté samedi dernier pour appuyer un article du magazine Vice, qui dénonçait la dernière émission de Joe Rogan, dont l’invité était (pendant trois heures) RFK.

En réaction, Joe Rogan, qui a une audience de 11 millions sur Spotify, a répliqué en offrant 100 000$ à un organisme de charité si Hotez venait débattre avec Kennedy à son émission. Le tweet a été vu plus de 50 millions de fois.

Même Elon Musk, le grand patron de Twitter, s’en est mêlé, accusant Hotez dans un tweet d’avoir « peur du débat, parce qu’il sait qu’il a tort ».

Hotez a raconté le 18 juin qu’en plus des menaces sur les réseaux, il avait été abordé sur le pas de sa porte, à Houston, Texas, par deux inconnus qui le défiaient d’aller débattre.

Professeur de virologie moléculaire et de microbiologie au Collège Baylor de médecine, il est aussi un vulgarisateur actif sur les réseaux, et auteur d’un livre en 2018, Vaccines Did Not Cause Rachel’s Autism —Rachel étant sa fille.

L’incident pose à nouveau la question de la modération sur Spotify, ou plutôt son absence. L’émission de trois heures avec RFK a abordé toute une série de théories du complot et de faussetés autour de la pandémie, de la 5G jusqu'à Bill Gates en passant par les médicaments-miracles, sans que l’animateur n’ait fait l’effort d’offrir un recul critique.

Rappelons que RFK est, depuis avril, candidat à la présidence des Etats-Unis pour le parti démocrate, et qu’il a donc besoin de visibilité, s’il veut s’imposer face au candidat présomptif de ce parti, Joe Biden. 

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