Il y aurait une « nouvelle variante » du SRAS-CoV2, et celle-ci serait plus contagieuse que la précédente, selon une recherche du laboratoire national de Los Alamos, aux États-Unis. L’information, inquiétante à souhait, s’est propagée comme un virus sur les réseaux sociaux mardi. Le Détecteur de rumeurs a vérifié, et ce n’est pas tout à fait ce que dit la recherche en question.
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L’origine de la rumeur
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Le choc est venu d’un article du Los Angeles Times mardi matin : « un coronavirus mutant a émergé, plus contagieux que l’original », a-t-on pu lire comme titre, avant que celui-ci ne soit mis au conditionnel dans l’édition en ligne. Derrière cet article, il y a bel et bien une recherche, parue le 30 avril, et qui a effectivement identifié 14 mutations survenues depuis janvier chez ce virus, dont une en particulier, D614G, est devenue dominante dans les « versions » du virus qui se sont répandues en février en Europe puis en Amérique du Nord.
Les bémols
Il y a toutefois six bémols.
- Il s’agit d’un « pré-papier », c’est-à-dire une recherche déposée à seules fins de partager l’information auprès des collègues, et qui n’a donc pas encore été révisée par d’autres chercheurs.
- Tout virus subit continuellement des mutations. Contrairement à l’image qu’en renvoie la science-fiction, « mutation » n’est pas synonyme de danger. Et jusqu’ici, la recherche tendait plutôt à conclure que, si le coronavirus responsable de la Covid-19 montre effectivement plusieurs mutations, peu d’entre elles semblent susceptibles de créer des souches aux propriétés différentes.
- Les chercheurs n’affirment pas que cette mutation rend le virus plus contagieux. Une mutation peut certes avoir cet effet, mais elle peut aussi avoir un effet qui n’a rien à voir avec la contagion, ou pas d’effet du tout. Les chercheurs, dans ce cas-ci, pointent un « signal » qui, à leurs yeux, mérite d’être davantage examiné, mais reconnaissent qu’il est trop tôt pour en conclure quoi que ce soit.
- Sa domination pourrait être le résultat d’un coup de chance. À première vue, le fait que cette « variante » soit devenue dominante en Europe depuis février jouerait en faveur du fait que la mutation procurerait un « avantage évolutif ». À l’instar de l’animal qui peut courir plus vite que ses congénères, et qui transmet cet « avantage » à ses descendants. Mais il peut aussi s’agir d’un coup de chance, ce que la génétique des populations appelle « l’effet fondateur » : par exemple, il aurait suffi qu’un plus grand nombre de virus porteurs de cette mutation soient les premiers à entrer en Europe pour qu’ils prennent le dessus sur les autres. Et pour ce qui est des États-Unis, les analyses génétiques ont révélé que le gros de la transmission est venu d’Europe.
- S’il était plus contagieux, les statistiques devraient le révéler. Cette mutation semble avoir été présente chez près de 100% des virus décodés dans le nord de l’Italie, où l’épidémie a fait très mal. Mais sur l’ensemble des données régionales actuellement disponibles, on ne remarque pas pour l’instant de corrélation entre la prévalence de cette variante et le taux d’hospitalisation.
- En au moins un endroit, les virus avec ou sans cette mutation reculent à parts égales. L’État de Washington, sur la côte du Pacifique, a connu ses premiers cas de coronavirus avant le reste des États-Unis et une partie provenait de Chine. Au fil des semaines, la variante « européenne » a également fait son chemin mais, écrivent les chercheurs de Los Alamos, les données génétiques accumulées, en particulier depuis qu’on a dépassé le sommet de la courbe dans cet État, révèlent un recul à parts égales des deux versions du virus. Autrement dit, la « mutante » (en bleu dans le graphique ci-dessous) ne semble pas en mesure de s’imposer.
Verdict
Incertain. Comme tout pré-papier, il nécessite d’autres recherches. Mais l’état des connaissances, pour l’instant, empêche de conclure prématurément qu’on a mis le doigt sur un dangereux mutant.