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La COVID-19 a fait officiellement plus de 7 millions de morts. Pourtant, tout le monde convient que le chiffre réel est beaucoup plus élevé. Mais combien de fois plus élevé? Le bilan est difficile à dresser, et le Détecteur de rumeurs a tenté de comprendre pourquoi.


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1- Des données manquantes

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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous les pays n’enregistrent pas la cause d’un décès au moment où celui-ci est répertorié. Dans un rapport publié en 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait par exemple estimé que, sur 94 pays étudiés, seuls 58% le faisaient systématiquement.

Dans le même rapport, l’OMS estime que près de 40 % des décès dans le monde ne sont pas comptabilisés du tout. Dans certains pays en effet, aucun certificat de décès n’est requis pour procéder à l’inhumation ou l’incinération du corps du défunt. Les autorisations sont souvent données par les autorités locales, qui ne sont pas nécessairement tenues de transmettre l’information à l’état civil.

Et la situation s’est encore aggravée lors de la pandémie. En particulier lors des vagues les plus sévères, les crématoriums ont été débordés dans plusieurs pays, au point où certains ont perdu le compte de leur nombre de morts (par exemple, l’Inde et la Chine).

2- Des estimations difficiles

Pour pallier ce problème, plusieurs chercheurs tentent d’extrapoler les données, c’est-à-dire d’utiliser les statistiques —a priori fiables— d’un pays pour combler les données manquantes d’un autre. Mais les estimations peuvent fortement varier, selon la façon dont on extrapole.

Ainsi, en Afrique subsaharienne, seules 150 000 personnes ont été déclarées officiellement décédées de la COVID-19. Un bilan très probablement sous-estimé. Dans une étude publiée par The Lancet en mars 2022, les chercheurs d’un groupe international sur la « mortalité excédentaire causée par la COVID » avaient estimé que cette région devrait plutôt comptabiliser 14 fois plus de décès, soit plus de 2 millions. Leur affirmation a été remise en cause par un autre groupe qui, dans une lettre publiée dans le même journal en février 2023, soutenait qu’un tel écart entre le nombre de décès déclarés et de décès réels est « improbable ». Une autre étude publiée dans The Lancet Global Health en juin 2022 estime qu’environ un décès sur trois aurait été rapporté, dans 47 pays d’Afrique.

Pour ce qui est de la Chine, le New York Times a compilé en février 2023 les données de deux études: l’une publiée dans Nature Medicine et l’autre, alors prépubliée, sur Medrxiv. Il y a ajouté des estimations faites à sa demande par deux autres groupes d’experts. La conclusion était qu’en février 2023, le nombre de décès dus à la COVID-19 en Chine se situait entre 1 et 1,5 million, soit beaucoup plus que le bilan officiel des autorités chinoises — qui était alors de 83 150.

3- Des diagnostics imparfaits

Enfin, il est possible que, même lorsque les chiffres officiels semblent plausibles, ils ne soient pas toujours exacts.

L’épidémiologiste John Ioannidis a proposé en 2021 qu’au tout début de la pandémie, soit en 2020, du fait que les symptômes de la COVID-19 étaient encore mal connus, de nombreux décès causés par le virus auraient été attribués à d’autres causes. À l’inverse, en plein cœur de la pandémie, le virus était si courant que des morts ont pu être attribuées, à tort, à la COVID-19 — comme une forme de surdiagnostic.

4- Environ 3 fois plus que les chiffres officiels

Souvent utilisé pendant la pandémie, le modèle développé en 2021 par le magazine britannique The Economist estime le nombre total de morts, en date du 15 juin 2023, à 23,8 millions. En comparaison, le bilan officiel était de près de 7 millions, selon les chiffres de l’OMS.

Quelques semaines plus tôt, en mai 2023, le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus avait quant à lui déclaré que la COVID-19 avait fait « au moins 20 millions » de morts.

Verdict

Bien que les modèles diffèrent, il est très probable qu’à l’échelle mondiale, les chiffres de la mortalité liée à la COVID-19 aient été grandement sous-estimés. Et même si l’on ne connaîtra peut-être jamais le nombre exact de morts, il semble prudent d’estimer qu’environ trois fois plus de personnes sont décédées que ce que rapporte le bilan officiel.

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