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Je continue cette semaine la publication du « journal de bord » de mon livre en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Je publie donc aujourd’hui un premier encadré ainsi retiré du chapitre 10. Il porte sur ces réseaux cérébraux les plus fréquemment utilisés qu’on appelle le « rich club » et qui permettent de basculer d’une réponse adaptée à une autre en fonction de la situation.

Ce qu’on appelle le « rich club » dans nos réseaux cérébraux désigne ainsi des neurones liés par de fortes connexions peu sujettes à la plasticité neuronale. L’activité dans ces réseaux jouit d’une grande stabilité et les régions participantes sont rapidement informés d’autres événements neuronaux intervenant dans l’ensemble du cerveau. On peut les considérer comme l’extrême d’un continuum quant au type de connexion et de plasticité qu’on retrouve dans ce cerveau. L’autre extrême étant constitué par des neurones avec une grande plasticité synaptique, connectés à relativement peu d’autres neurones et avec un débit d’activité beaucoup moins élevé. Bien qu’il s’agisse d’un continuum et qu’on retrouve donc à peu près tous les cas de figure entre ces deux extrêmes, on a évalué que le « rich club » représenterait environ 20% de la population totale de nos neurones mais seraient responsables de près de la moitié de l’activité du cerveau !

On peut voir là des parallèles éclairants avec les deux options qu’on a toujours pour minimiser nos erreurs de prédiction. Les caractéristiques des neurones formant le « rich club » évoquent en effet nos capacités de répondre rapidement par une action dans toute situation, en faisant des prédictions par analogie avec des situations semblables où telle réponse comportementale s’avère habituellement efficaces. Ces modèles internes, parfois qualifié « d’a priori » dans la littérature, peuvent être carrément « hard wired », c’est-à-dire en place dès notre naissance ou formés très tôt dans notre vie parce que représentant des régularités du monde quasi universelles : un objet lâché va tomber vers le bas, un autre dissimulé par un paravent va réapparaître quand on va retirer le paravent, etc.

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Un jeune cerveau dispose ainsi d’une quantité astronomique de trajectoires neuronales qu’il va faire progressivement correspondre à des événements du monde extérieur. De sorte que bientôt, rien ne sera jamais complètement inédit pour lui parce qu’il pourra toujours faire une analogie entre une nouveauté et une situation plus ancienne intériorisée dans ses modèles internes, basculant ainsi grâce à son « rich club » d’un réseau fonctionnel à un autre selon les demandes du moment.

On a aussi tous ces neurones qui sont plastiques à divers degrés dans notre cerveau et qui nous sont tout aussi essentiels. Mais pour une autre raison : mémoriser des événements importants qui nous arrivent et qui deviendront de nouveaux modèles de référence pour nous aider à naviguer dans le monde. On parle donc ici de l’autre grande option qu’on a dans le cadre du cerveau prédictif, celle de modifier nos modèles pour faire de nouvelles distinctions, raffiner nos connaissances. Comme de comprendre un jour qu’une baleine ou un dauphin n’est pas un poisson, mais bien un mammifère marin.

On semble donc avoir la machinerie neuronale nécessaire pour minimiser l’erreur sur nos prédictions des deux manières : soit en basculant d’un modèle à l’autre, de manière rapide et flexible, grâce au « rich club » de nos réseaux cérébraux, ce qui nous permet de trouver rapidement une réponse comportementale adaptée à la situation; ou soit en créant de nouvelles associations, de nouvelles catégories mentales, grâce à la plasticité neuronale, qui deviendront autant de nouveaux attracteurs, de nouveaux modèles, de nouvelles assemblées de neurones transitoires à être trouvées et stabilisées par notre cerveau pour comprendre son environnement et donc mieux interagir avec lui.

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