Certains politiciens ont toujours eu une relation trouble avec la science: lorsqu’une étude n’arrive pas aux conclusions souhaitées, ils évitent d’en parler ou peuvent parfois tenter de la discréditer. Mais à Washington, un nouveau sommet a été atteint: des rapports soi-disant scientifiques qui font dire à des scientifiques ce qu’ils n’ont jamais dit.
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Gagnant dans la catégorie « santé »
Le cas les plus médiatisé: un rapport publié par le ministère de la Santé le 22 mai et intitulé « The MAHA Report », en référence au slogan de Robert F. Kennedy Jr (RFK), Make America Healthy Again. Il contient des recommandations qui, en d’autres circonstance, n’auraient pas fait sourciller, sur la lutte contre l’obésité ou contre les maladies chroniques.
Or, l’épidémiologiste Katherine Keyes a été la première surprise d’apprendre qu’elle était citée dans ce rapport comme l’auteure principale d’une recherche sur l’anxiété chez les adolescents… recherche qui n’existe pas. Dans les jours qui ont suivi, des journalistes ont identifié plus d’une dizaine de références qui avaient été attribuées soit à des chercheurs qui n’ont jamais signé l’étude qu’on leur attribue, soit à des recherches auxquelles on fait dire le contraire de ce qu'elles disent. Dans un cas, découvert par le New York Times, il y a quatre erreurs dans la même référence: le rapport cite une étude qui est en fait un texte d’opinion, l’auteur n’est pas le bon, ni l’année de publication, ni la revue. Des experts ont suggéré que le rapport pourrait avoir été écrit, en tout ou en partie, par une application d’intelligence artificielle.
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Ce rapport est apparu en même temps que RFK accusait les grandes revues scientifiques d’être « corrompues » et disait songer à interdire aux scientifiques des agences gouvernementales d’y publier.
Gagnant dans la catégorie « environnement »
La démarche la plus tortueuse : un rapport du ministère américain de l’Énergie (DOE) qui rejette la réalité des changements climatiques et dont la publication, fin-juillet, coïncidait avec un rapport de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Ce dernier annonce que l’agence travaillera désormais à renverser un jugement de 2009 de la Cour suprême qui avait fourni les bases légales de la réglementation des gaz à effet de serre en tant que polluants.
Le rapport du ministère souligne par exemple que le dioxyde de carbone (CO2) est essentiel à la vie sur Terre —un argument courant dans les groupes climatosceptiques, que ni les scientifiques, ni les juges, n’ont nié. Ici aussi, les rapports de l’EPA et du DOE font dire à des scientifiques ou à des études des choses qui n’ont jamais été dites.
Début-septembre, près de 100 scientifiques ont profité des audiences publiques du DOE pour déposer un document de plus de 400 pages qui critique le rapport du DOE point par point. Ils y comparent celui-ci aux efforts de relations publiques que menait jadis l’industrie du tabac pour remettre en doute les liens entre tabac et cancer.
Mentions honorables
- Cet été, le ministère de la Santé de RFK Jr a défendu l’annulation des recherches sur les vaccins à ARN en s’appuyant sur une compilation d’environ 750 articles sur les prétendus effets secondaires de ces vaccins contre la COVID. Toutefois, la grande majorité de ces articles ne parlent pas des effets secondaires des vaccins... mais de ceux de la COVID.
- Le 28 novembre, le directeur de la FDA, l’agence américaine responsable de l’approbation des médicaments, a envoyé un courriel aux employés de la FDA dans lequel il attribue 10 décès d’enfants aux vaccins contre la COVID. Toutefois, il ne cite pas de source à l’appui de ses dires, et prétend que ce chiffre provient de la base de données VAERS, alors que celle-ci n’est pas conçue pour tirer de telles conclusions.




