Stephen Harper se serait-il converti à l’environnement? Il y a quelques années, il tournait en ridicule la science du climat. À présent, le premier ministre canadien dit que la Chine et l’Inde devraient être, elles aussi, obligées de réduire leurs gaz à effet de serre. Une évolution positive?

Certes, ses critiques disent plutôt que le fait d’arrimer la Chine et l’Inde à un éventuel «Kyoto 2» n’est que la dernière d’une longue série de stratégies dont le véritable but est d’empêcher toute tentative d'imposer une réglementation des gaz à effet de serre. Ils en veulent pour preuve « l’évolution » du premier ministre canadien :

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- En 2002, sous le gouvernement précédent, lorsque le Canada a signé le Protocole de Kyoto, Stephen Harper signait une lettre qualifiant cette entente de « projet socialiste » et ridiculisant la science du réchauffement. - En 2004, il annonçait qu’un futur gouvernement conservateur mettrait Kyoto à la poubelle. - En 2006, les médias révélaient que le chef de cabinet de la ministre de l’Environnement avait présidé un organisme ridiculisant la science du réchauffement (et, accessoirement, était pro-créationniste). - En octobre dernier, le Canada adhérait au Partenariat Asie-Pacifique pour le développement vert et le climat, un organisme qualifié de « anti-Kyoto », parce qu’il regroupe des pays qui n’ont pas signé Kyoto ou s’opposent à toute cible de réduction des gaz à effet de serre.

En soi, le Canada ne fait que suivre un parcours déjà balisé par les États-Unis. Là-bas, c’est au moins depuis 1988, soit depuis le dépôt du premier rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental sur les changements climatiques, un groupe sous l’étude des Nations Unies) que des lobbys conservateurs se sont alliés à des politiciens de droite, officiellement pour mettre en doute la science du climat, officieusement pour bloquer toute loi allant à l’encontre des intérêts de l’industrie : réglementations sur les émissions polluantes, les cheminées d’usine, les rejets dans l’eau, l’enfouissement des déchets, le recyclage, etc.

Dans un ouvrage publié en 1997 ( Global Spin : The Corporate Assault on Environmentalism ), l’ingénieure australienne Sharon Beder décrivait ces stratégies avec deux mots qu’on a rarement l’occasion de voir ensemble : « l’activisme corporatif ».

Mais cette opposition a évolué, écrivait le journaliste Chris Mooney en 2005 :

- Au début des années 1990, les « sceptiques » mettaient en doute que la Terre se réchauffe : rien ne change à long terme, ce ne sont que des variations annuelles normales autour de la moyenne. - Au milieu des années 1990, ils ont commencé à admettre que nous soyons entrés dans une phase générale de réchauffement, mais naturelle : l’humain n’a rien à y voir, disaient-ils. - Au tournant de l’an 2000, ils se sont mis à admettre que l’humain puisse jouer un rôle, mais mineur. - Depuis 2005, ils sont nombreux à admettre que le rôle de l’humain soit important, mais pas prépondérant, insistent-ils.

Même le discours des grandes compagnies a évolué en ce sens : Shell, Texaco, British Petroleum, Ford, General Motors, ont quitté l’un des plus puissants lobbying « anti-réchauffement » de la décennie, la Global Climate Coalition, en 2002. Parmi les irréductibles : ExxonMobil.

En ce sens, même le discours du premier ministre canadien a évolué, puisqu’il semble admettre que le réchauffement est un problème (ce bulletin de l’industrie pétrolière s’en inquiétait même en janvier dernier!). Mais si, comme le prétendent écologistes et blogueurs, l’exigence d’inclure l’Inde et la Chine dans les négociations d’un « Kyoto 2 » n’est rien de plus qu’une manoeuvre politique, il y a encore du chemin à faire...

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