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Là où l’affaire des courriels piratés pourrait causer le plus de dommages, ce n’est pas sur la science du climat, qui est aussi solide qu’avant, mais sur la façon dont les scientifiques se comporteront. Car face à des tactiques qui, à leurs yeux, s’apparentent à du harcèlement, la tentation est grande de se retirer dans leur tour d’ivoire.

Coup sur coup, la même idée est venue cette semaine de deux clans très différents : des scientifiques et des journalistes. Dans une lettre ouverte « aux étudiants et aux jeunes scientifiques », la climatologue américaine Judith Curry fait ainsi état de son inquiétude. En même temps, outre-Atlantique, le journaliste britannique George Monbiot dit « se sentir bien seul » devant les réactions des climatologues qui, interrogés sur le « climategate », préfèrent nier l'importance de la crise.

Pas une crise scientifique, puisque des études de toutes natures, révisées et confirmées et approfondies et retravaillées par des équipes indépendantes les unes des autres dans des dizaines de disciplines, des dizaines de pays et des dizaines d’années, pèsent de loin plus lourd qu’une poignée de courriels sortis de leur contexte. Mais crise de confiance, puisque les dizaines de milliers de commentaires qui ensevelissent depuis le 20 novembre la blogosphère conservatrice, n’émanent pas tous des plus acharnés des « enviro-sceptiques ».

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« Au coeur du problème, écrit Judith Curry : comment des climatologues doivent-ils se comporter avec les sceptiques ».

Sur la base des réactions que j’ai reçues d’étudiants à Georgia Tech, je soupçonne que vous êtes confus, troublés ou inquiets par ce que vous avez lu sur le ClimateGate et le contenu de ces courriels... Ce qui a été absent de façon notable de la discussion, jusqu’ici, est une réaffirmation par les climatologues des valeurs de base de nos recherches : la rigueur de la méthode scientifique (incluant la reproductibilité), l’intégrité de la recherche et de l’éthique, l’ouverture d’esprit et la pensée critique. Nous ne devons, sous aucun prétexte, sacrifier la moindre de ces valeurs.

 

Comment se comporter, par exemple, avec des gens qui posent, parfois avec l’arrogance du croyant, des questions qui ont déjà été 1000 fois répondues (le Groenland, par exemple) et qui, en plus, semblent avoir déjà décidé qu’ils n’écouteront pas la réponse que vous allez donner? Certes, c’est profondément irritant mais, poursuit-elle, vous n’avez pourtant que trois choix : rentrer dans votre tour d’ivoire, développer une mentalité d’assiégé en attaquant « l’ennemi » sur ses motivations et en usant un peu trop de l’argument d’autorité, ou bien débattre avec les « sceptiques » à vos conditions (conférences ou blogues). C’est évidemment la troisième option qu’elle privilégie.

Passez du temps à vous promener dans la blogosphère, pour vous faire une idée des questions politiques entourant votre domaine. Une meilleure compréhension des énormes implications politiques devrait nous pousser à viser les plus hauts standards d’éthique en recherche. Améliorez vos talents de communicateurs; nous avons tous besoin de communiquer plus efficacement.

 

La façon déplorable dont la communauté scientifique a abordé cette crise, renchérit George Monbiot dans The Guardian , est révélatrice d’un plus large problème auquel est confronté la science. Oui, ces courriels peuvent s’expliquer par le processus courant de révision de l’information scientifique. Oui, les gens derrière ce piratage sont des fripouilles (scumbags). « Mais leur stratégie média fut impeccable ». Alors que la stratégie, si tant est qu’on peut l’appeler ainsi, de nombreux scientifiques, et en particulier du climatologue Philip Jones, celui par qui le scandale arrive, suggère « qu’ils n’ont rien appris après 20 ans d’assauts contre leur discipline. On dirait qu’ils n’ont aucune idée de ce contre quoi ils se battent ».

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