L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a-t-elle surestimé la gravité de la grippe A(H1N1)?
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Oui. Mais il est facile de le dire après coup. En avril 2009, personne ne pouvait prévoir quelle serait la gravité de ce virus, et les premiers indices donnaient toutes les raisons de s’inquiéter (lire aussi Le ressac H1N1).
L’OMS a-t-elle manqué de transparence?
C’est le principal reproche —le seul reproche tangible, en fait— que lui adresse la Commission sur les questions sociales, de la santé et de la famille, une commission réunissant des parlementaires européens, dans son rapport publié vendredi dernier par le député britannique Paul Flynn. Ce rapport doit donner lieu à une discussion entre tous les élus du Parlement européen, à la fin du mois. Sa publication a été coordonnée avec celle d’un dossier signé par des journalistes, dans le British Medical Journal.
Le manque de transparence dont il est question n’est pas du côté de l’information sur la grippe, son évolution et sa propagation, information qui a été surabondante tout au long de l’année 2009. L’accusation porte plutôt, comme on s’y attendait, sur les liens entre l’industrie pharmaceutique et les experts de l’OMS formant ce comité d’urgence qui a recommandé, en juin 2009, une vaccination à grande échelle.
L’OMS, reproche-t-on dans les deux publications, s’est montrée « réticente » à publier les noms, et à plus forte raison « les déclarations d’intérêts » de ces 18 experts.
Ces experts ont-ils été « achetés » par l’industrie?
C’est là que ni le rapport, ni l’enquête des journalistes, n’apportent grand-chose de neuf. Certes, il est noté que trois de ces experts ont, au fil de leur carrière, été payés par l’industrie pour donner une conférence, ou ont reçu des subventions de l’industrie dans le cadre d’une recherche, mais il serait difficile de trouver un expert en santé publique dans le monde qui n’ait jamais reçu un dollar de l’industrie pharmaceutique : on parle ici de chercheurs qui ont publié des dizaines de recherches dans des revues à comités de révision par les pairs et ont pour cela participé à des centaines de recherches, certaines étalées sur des années, et pour lesquelles leur financement provient en permanence de multiples sources, gouvernementales et privées.
Autrement dit, il ne faut pas confondre un chercheur qui ne travaille que pour un seul employeur, d’un chercheur qui puise à diverses sources. L’article du British Medical Journal donne également cet exemple :
Il existe une différence entre le conflit d’intérêts né d’un essai clinique financé par une compagnie et le conflit d’intérêts né d’une implication dans le marketing d’un médicament. Certains départements de médecine, par exemple à l’Université Stanford, ont interdit à leur équipe d’être impliquée dans le marketing.
Y a-t-il des remèdes pour réduire toute apparence de conflit d’intérêts?
Comme l’évoque la journaliste Valérie Borde, le seul modèle sans risque serait de mettre fin au système capitaliste dans le monde pharmaceutique : en nationalisant les compagnies, on évite ainsi toute « collusion » entre des experts scientifiques et la quête de profits.
Par ailleurs, ce sont les gouvernements qui ont demandé à l’OMS de les aider à coordonner leurs réactions à une éventuelle pandémie mondiale. On ne peut pas, dans l’état actuel des connaissances, exiger un système parfait, qui saurait à l’avance quelle pandémie sera grave.
Par contre, une plus grande transparence de la part de l’OMS ne pourrait pas nuire. Et davantage de vulgarisation scientifique serait une chose bienvenue : pour mieux apprendre, pas uniquement ce qu’est un virus et ce qu’est un vaccin, mais comment se construit la recherche scientifique, de manière à, par exemple, ne pas conclure prématurément qu’un chèque de l’entreprise privée est synonyme de complot.