C’est du moins le point de vue du psychologue de l’Université de Belfast, Jesse Bering, qui signe un texte dans la dernière livraison du très sérieux Scientific American. Son analyse s’appuient sur une revue de la littérature scientifique des habitudes sexuelles des primates, dont la dernière étude sérieuse sur les moeurs semblables chez les primates a été publiée en 2004 dans la revue Folia Primatologica.
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Pour comprendre ce comportement sexuel chez l’être humain, il faut remonter aux travaux de deux biologistes anglais, Robin Baker et Mark Bellis, publiés en 1993.
Leur recherche sur la compétition spermatique et les habitudes onanismiques de l’humain continue de faire école. Pour ces spécialistes, la masturbation s’inscrit dans une logique strictement adaptative et évolutive.
Les testicules emmagasinent environ 3 millions de spermatozoïdes par jour. Ceux-ci restent viables de 5 à 7 jours après leur production. La masturbation intervient pour remplacer le sperme vieilli par une relève plus fringante, expliquent les experts. Les nouveaux spermatozoïdes ont ainsi la meilleure chance de survie jusqu’à l’ovule. « Ils sont les plus fertiles en l’absence de compétition (relations monogames) et davantage combatifs en présence de sperme étranger lié aux relations avec des partenaires multiples. »
Tout est dans la tête... ou presque Mais la nature ne nous a pas laissés les mains vides pour autant, soulève Jesse Bering dans le Scientific American. La capacité d’imaginer des scénarios dévergondés pour stimuler la masturbation reste une caractéristique unique à l’être humain, régénérescence des spermatozoïdes oblige. Les fonctions cognitives nécessaires à la création des fantaisies seraient d’ailleurs une innovation relativement récente, écrit le psychologue. Et sollicitées profusément, si l’on se fie encore une fois aux travaux des spécialistes anglais Baker et Bellis.
Les étudiants masculins étudiés se sont autosatisfaits jusqu’à l’éjaculation toutes les 72 heures, notent-ils dans leurs recherches. Et, dans la majorité des cas, la dernière masturbation dépasse rarement deux jours avant d'avoir une relation sexuelle avec un partenaire .
Dans une autre étude, rapporte Bering, les psychologues Harold Leitenberg et Kris Henning de l’Université du Vermont s’étaient penchés cette fois sur la nature des fantasmes sexuels. Il ressort qu’une majorité d’hommes et de femmes repassent leurs fantasmes en tête durant une séance sexuelle solo autant que dans une relation à deux. Par exemple, se remémorer une séance particulièrement inoubliable, imaginer faire l’amour avec son partenaire actuel ou s’envoyer en l’air avec un inconnu ressortent parmi les images les plus populaires.
Des détails encore plus croustillants sont aussi connus. Le journaliste cite une étude où l’on a questionné 141 femmes mariées pour connaître leurs fantasmes. Parmi les plus populaires, il y a l’idée d’être dominées ou maîtrisées, celle de s'imaginer accomplir un acte interdit ou particulièrement pervers. Les fantaisies préférées des hommes s'attachent particulièrement aux détails visuels et explicites de l’anatomie.
N'en déplaise à Freud, la privation sexuelle ne déclenche pas de représentations mentales excessives, comme c’est le cas des gens affamés qui se mettent à rêver à de la nourriture. Ce sont plutôt les gens sexuellement actifs qui ont l’imagination particulièrement fertile, avancent Leitenberg et Henning.
Le psychologue Bering s’inquiète de la montée fulgurante de la pornographie en ligne comme un court-circuit évolutif et une menace à la survie de l’espèce. Pas de soucis, admet-il, puisque tant qu’il y a de l’imagination, il y a de l’espoir.