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Alors que le débat sur le mariage gai resurgit périodiquement en France et aux États-Unis —et qu’il semble dépassé au Québec— il existe un témoin que plus personne n’ose inviter dans la discussion: la biologie. Parce que Mère Nature n’est plus du bord des opposants.

Il a longtemps été de bonne tenue de dire que l’homosexualité n’était qu’un trait humain. Certains osent encore l’évoquer, telle la politicienne d’extrême-droite Marine Le Pen qui, en novembre dernier, prétendait que le mariage gai nie «la réalité biologique».

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D’autres parlent de «l’ordre naturel des choses». Mais l’ordre naturel des choses accumule plutôt les observations contraires depuis au moins deux décennies.

Une recherche rapide permet ainsi de découvrir que dès 1999, un ouvrage de vulgarisation tentait de remettre les pendules à l’heure en parlant d’une biologie plus «exubérante» qu’on ne le soupçonnait ( Biological Exuberance: Animal Homosexuality and Natural Diversity ).

En 2006, il s’était additionné suffisamment d’exemples pour qu’un musée d'histoire naturelle, en Norvège, présente une exposition sur l’homosexualité dans la nature. Une revue de la littérature scientifique parue en juin 2009 dans Trends in Ecology & Evolution concluait que «des comportements homosexuels» semblent présents dans l’ensemble du règne animal.

Et aujourd’hui, Wikipédia laisse entendre que des comportements homosexuels auraient été observés chez près de 1500 espèces différentes, allant des primates jusqu’à des vers intestinaux, incluant des cas «bien documentés» chez 500 de ces espèces.

Et si ce n’était que de l’homosexualité au sens «humain» du terme, les choses seraient simples. Mais l’étude de 2009 rendait compte que ce terme regroupe une variété beaucoup plus large: entre autres, des mouches à fruit mâles qui courtisent d’autres mâles parce qu’il leur manque un gène les rendant incapables de différencier les sexes; des dauphins mâles qui s’engagent dans des relations sexuelles entre eux pour renforcer la cohésion du groupe; et des femelles albatros qui restent unies pour la vie.

Et ça se complique encore plus quand on apprend que chaque année, s’ajoutent à la liste des espèces hermaphrodites inconnues jusqu’ici —c’est-à-dire des individus possédant des caractères des deux sexes, qui vont passer d’un à l’autre à un moment de leur vie, ou plus d’une fois dans leur vie. Le biologiste américain David Haskell se sert de ces exemples, dans un texte publié le 30 mars par le New York Times, pour se moquer des opposants au mariage gai qui invoquent «la nature»:

Chaque espèce a évolué sa propre écologie sexuelle, et la nature résiste aux généralisations... La diversité domine la sexualité, comme elle domine le reste de la biologie. Cette variété naturelle ne fournit aucun guide moral.

Même l’humanité n’est pas uniforme. Dans un texte intitulé «Genre et génétique», l’Organisation mondiale de la santé commence par rappeler que «les humains sont nés avec 46 chromosomes» X ou Y répartis en 23 paires, les femmes étant 46XX et les hommes, 46XY. Mais le texte précise aussitôt qu’il ne s’agit plus d’une règle universelle :

Clairement, il n’y a pas que des femmes qui sont XX et des hommes qui sont XY, mais plutôt, une fourchette de compléments chromosomiques, d’équilibres hormonaux et de variations phénotypiques qui déterminent le sexe.

S’il existe un « ordre naturel des choses » en la matière, l’humain ne l’a manifestement pas encore découvert.

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