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Y a-t-il un lien entre le réchauffement climatique et le conflit syrien? L’hypothèse est revenue à la surface la semaine dernière. Mais mettre dans la balance des années de sécheresse avec des décennies de perturbations politiques s’avère un équilibre délicat.

La Syrie a été frappée par la sécheresse de 2007 à 2010: près d’un million et demi de personnes ont trouvé refuge dans les villes. Il est donc indiscutable que les tensions sociales et la révolte populaire de 2011 sont en partie nées de là. Mais la sécheresse elle-même, peut-elle être associée au réchauffement climatique? C’est la réponse à laquelle répond par l’affirmative une équipe américaine dans l’édition du 2 mars de la revue PNAS , après avoir documenté un siècle de variations de température et de précipitations. Leur «découverte» leur a valu de bons échos médiatiques.

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En soi, une telle tentative pour associer climat et guerres civiles n’est pas nouvelle: en 2009, une autre étude parue dans la même revue PNAS concluait à un risque accru de conflits armés en Afrique. En 2013, une analyse de 60 études parue dans Science tentait de quantifier l’influence du climat sur les conflits humains à différentes époques. Mais avec l’étude du 2 mars, ce serait la première fois qu’on pointe du doigt une guerre en particulier, plutôt qu’une probabilité.

Sauf que c’est aller un peu vite en besogne, réagissent plusieurs intervenants depuis le 2 mars —notamment l’environnementaliste Paul Robbins et le géographe Edward R. Carr sur Twitter ou l’océanographe Andrew Solow. Leurs réserves viennent du fait que la possibilité d’un lien entre réchauffement climatique et conflits armés est débattue depuis des années (un rapport du Pentagone en faisait état dès 2003) et qu’il est peu probable qu’une seule étude suffise à régler le débat.

En même temps, déclare Solow, bien qu’il soit «plausible» que la violence en Syrie puisse être attribuée en partie à la sécheresse, une autre raison fondamentale réside simplement dans les décennies d’instabilité géopolitique de la région. Il prévient que la recherche, bien que «valable», pourrait trop attirer l’attention vers les changements climatiques, aux dépens d’autres facteurs tels que la pauvreté, l’inégalité et la corruption.

C’est le même Andrew Solow qui, dans un texte d’opinion publié en 2013 dans Nature , lançait un appel à «une trêve» entre ceux qui débattent férocement du pour et du contre de ce lien entre climat et conflits. Davantage de recherches sont nécessaires, disait-il. Le GIEC y faisait lui aussi allusion dans le tome 3 de son dernier rapport, faisant état de conclusions mitigées.

En un sens, l’étude du 2 mars elle-même est mitigée: «que ce soit un facteur primordial ou substantiel est impossible à savoir, mais la sécheresse peut avoir des conséquences dévastatrices». Mais ce n’est pas assez aux yeux des nombreux intervenants rassemblés par le journaliste Keith Kloor qui semblent questionner carrément l’utilité de l’étude. Qu’il y ait une probabilité accrue de conflit armé à cause du réchauffement climatique, c’est indéniable, souligne par exemple Edward Carr, mais dans la mesure où il est impossible d’affirmer que telle ou telle sécheresse est causée par le réchauffement climatique, à quoi bon, dans ce cas, pointer précisément le conflit syrien?

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