Parmi les motifs d’inquiétude : les nominations des deux dernières semaines, où le climatoscepticisme semble s’infiltrer un peu partout dans le futur gouvernement. Parmi les motifs pour relativiser ces craintes : les déclarations « adoucies » de Trump cette semaine au New York Times. Encore que ces dernières « sont encore plus stupides que vous ne l’imaginez », résume le New York Magazine qui s’est livré à une vérification des faits dévastatrice. [ Ajout 7 décembre, 22h : Parmi les très gros motifs d'inquiétude: la nomination le 7 décembre de Scott Pruitt à la tête de l'Agence américaine de protection de l'environnement. C'est un climatosceptique notoire, qui s'est rangé avec les pétrolières pour combattre les législations environnementales sous Obama, et qui s'ajoute à une longue liste de nominations climatosceptiques. ]
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Les nominations qui inquiètent
- Un nom circulait avant même l’élection : Myron Ebell. C’est un économiste, un des chefs de file du mouvement climatosceptique et il est à la tête de l’équipe de transition chargée de définir l’avenir de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Abolir l'EPA pourrait s’avérer difficile, mais plusieurs législations anti-pollution d’Obama pourraient être renversées, par exemple celles limitant les émissions des centrales au charbon et des véhicules automobiles.
- Kathleen White, qui était une candidate possible comme administratrice de l'EPA, serait climatosceptique, selon le Fonds de défense de l'environnement. Au Texas, elle est lobbyiste pour l'industrie du pétrole, tout comme un autre membre de l'équipe de transition, Doug Domenech, président de la Texas Public Policy Foundation, dont l'un des objectifs est de défendre les carburants fossiles. Domenech est à la tête de l'équipe de transition du ministère de l'Intérieur, celui qui a juridiction sur les parcs nationaux.
- David Schnare, nommé le 5 décembre sur l'équipe de transition de l'EPA, est connu depuis cinq ans des climatologues pour sa campagne d'intimidation et de harcèlement: menaces de poursuites en justice et requêtes répétées d'accès à l'information. C'est un avocat de l'industrie du charbon.
- George Sugiyama, également nommé au début de la semaine du 5 décembre sur l'équipe de transition de l'EPA, était l'avocat-conseil du sénateur de l'Oklahoma Jim Inhofe, celui-là même qui répète depuis des années que le réchauffement climatique est un canular. Sugiyama était rémunéré par l'association nationale des minières.
- David Kreutzer, apparemment nommé en même temps que Sugiyama, est un chercheur de la Fondation Heritage, un de ces groupes climatosceptiques financés depuis les années 1990 par les pétrolières. Il critique les règlementations environnementales en général, leur reprocfhant de donner trop de pouvoir au gouvernement par rapport au marché.
- Un membre de l’équipe Trump a annoncé mercredi qu’il mettrait fin à la portion du financement de la NASA consacrée aux «sciences de la Terre», ce qui inclut le climat. Mais pas seulement le climat, détaille le journaliste Andrew Revkin. Le premier membre de l'équipe de transition de la NASA, Christopher Shank, s'est lui-même reconnu comme climatosceptique.
- La candidate au poste d’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley : comme gouverneure de la Caroline du Sud, on lui a reproché depuis 2013 « d’enterrer » le rapport de son gouvernement faisant état des risques que les changements climatiques font courir à l’économie locale.
- Le candidat au poste de procureur général (ou ministre de la Justice), Jeff Sessions : selon ClimateWire, il serait lui aussi climatosceptique.
- En fait, selon ThinkProgress, trois noms connus pour former la future équipe des conseillers à la sécurité nationale, seraient ouvertement climatosceptiques.
- Celui qui sera le numéro un de la Maison-Blanche, Reince Priebus, déclare que la position par défaut de Trump, c'est le climatoscepticisme.
- James Carafano, vice-président d’un influent groupe de réflexion conservateur, aujourd’hui sur l’équipe de transition : il s’est prononcé pour l'élimination du bureau du conseiller scientifique de la Maison-Blanche.
- Selon un mémo obtenu par Bloomberg News le 8 décembre, l'équipe de transition de Trump aurait demandé une liste des employés de l'EPA qui ont travaillé sur les politiques environnementales d'Obama et qui ont participé aux dernières conférences annuelles sur le climat.
- Cathy McMorris Rodgers, annoncée le 9 décembre comme étant la future ministre de l'Intérieur, a déjà affiché ses couleurs climatosceptiques selon ThinkProgress , mais est surtout partisane de la vente de terres publiques afin d'y permettre l'exploitation minière ou pétrolière. Dans un revirement de situation le 13 décembre, le candidat au poste de ministre de l'Intérieur serait plutôt un élu républicain du Montana, Ryan Zinke. Lui aussi est climatosceptique.
- Autre poste de poids, le ministère de l'Énergie: il irait à l'ancien gouverneur du Texas, Rick Perry, lui qui, lors de la campagne présidentielle de 2012, avait promis de démanteler le ministère de l'Énergie. Perry est lui aussi climatosceptique.
- Quant à ceux qui fondent des espoirs dans la fille aînée de Trump, Ivanka, ils doivent se rappeler qu'elle n'a aucun pouvoir et que les nominations ci-haut sont plus parlantes que les gestes qu’elle pourrait poser.
- [ Ajout 21 décembre ) Encore un. Mick Mulvaney, nommé à la tête du Bureau de la gestion et du budget, est climatosceptique, ce qui n'est plus étonnant, mais il questionne aussi la légitimité que le gouvernement finance la recherche scientifique.
Les bémols de Trump
L’entrevue accordée au New York Times mardi (la transcription complète est ici) a toutefois soulagé certains observateurs, tant le président élu semblait mettre de l’eau dans son vin. D’autres sont restés sur leur faim, tant les réponses de Trump sur le climat sont incohérentes —«stupides», écrit le New York Magazine. Si Trump a promis —à sept reprises— de garder « l’esprit ouvert » sur le lien entre l’humain et le climat, il a aussi utilisé des arguments en apparence sortis de nulle part:
Vous savez, la journée la plus chaude jamais enregistrée était dans les années 1890. Quatre-vingt-dix-huit. Vous savez, vous pouvez argumenter de différents points de vue. Je suis totalement ouvert d’esprit.
Réplique du magazine : une journée plus chaude que les autres n’invalide en rien une tendance étalée sur un siècle et demi. De plus, d’où sort cette référence à 1898?
Mon oncle a été pendant 35 ans professeur au M.I.T. Il était un grand ingénieur, scientifique. Il était un grand bonhomme. Et il était... il y a longtemps, il avait l’impression —c’était il y a longtemps— il avait des impressions sur ce sujet. C’est un sujet très complexe. Je ne suis pas sûr que quiconque va vraiment savoir.
Réplique du magazine : John G. Trump travaillait en génie physique, pas en climatologie, et il est mort en 1985, à une époque où le consensus scientifique sur le rôle de l’humain dans le réchauffement était beaucoup moins solide qu’aujourd’hui.
Pour appuyer l’idée que les deux « points de vue » se valent, Trump a évoqué les « horribles courriels échangés entre les scientifiques », apparemment une allusion au climategate, cette controverse montée en épingle il y a sept ans, et qui a été démontrée fausse par neuf enquêtes indépendantes —dont deux commandées par le gouvernement britannique et une par le gouvernement américain.
À défaut de croire au réchauffement climatique, pourquoi ne pas investir dans les éoliennes? C’est un des endroits de l’entrevue d’une heure et quart où les journalistes ont eu le plus de mal à suivre le fil.
[Les éoliennes] sont faites de quantités massives de métal, ce qui s’en va dans l’atmosphère, que ce soit dans notre pays ou non, ça s’en va dans l’atmosphère. Les éoliennes tuent des oiseaux et les éoliennes ont besoin de quantités massives de subventions. En d’autres mots, nous subventionnons des éoliennes partout dans ce pays, je veux dire, pour la majeure partie, elles ne fonctionnent pas. Je ne pense pas qu’elles fonctionnent du tout sans subventions, et ça me dérange, et elles tuent tous les oiseaux. Vous allez voir une éolienne, vous savez, en Californie, là où ils ont le, comment ça s’appelle, l’aigle doré? Et là-bas, c’est comme, si vous tirez sur un aigle doré, vous allez en prison pour cinq ans, et pourtant ils les tuent, par... Ils doivent en fait avoir un permis pour être autorisés à tuer une trentaine et quelques, en un an. Les éoliennes dévastent la population des oiseaux. Ok. Cela étant dit, il y a une place pour elles. Mais elles ont besoin de subventions. Alors si je parle négativement, j’ai dit la même chose depuis des années vous savez, l’industrie éolienne. Je ne voudrais pas la subventionner. Certains environnementalistes sont très d’accord avec moi, à cause de toutes les choses que je viens de dire, incluant les oiseaux. Et d’autres ne sont pas d’accord.
Pistes de solutions
Quelles stratégies de défense mijotent les groupes environnementaux? Trois types, selon le magazine Think Progress .
- Se préparer à des poursuites devant les tribunaux pour bloquer des législations anti-environnementales
- Faire du lobbying afin que les États et les villes n’attendent pas pour lancer leurs propres initiatives de réduction des gaz à effet de serre
- Surveiller les marchés : le futur président a beau avoir promis aux anciens travailleurs du charbon de faire renaître leur industrie, il ne pourra pas faire grand-chose tant que le gaz coûtera moins cher que le charbon.
. [ Texte mis à jour le 28 novembre avec les mentions de Revkin, Priebus et des 3 noms à la sécurité nationale ] [ Texte mis à jour le 2 décembre avec les ajouts de Kathleen White, Doug Domenech et Christopher Shank ] [ Texte mis à jour le 5 décembre avec l'ajout d'Ivanka Trump ] [ Texte mis à jour le 9 décembre avec quatre nouveaux noms: Schnare, Sugiyama, Kreutzer et Cathy McMorris Rodgers, ainsi que le mémo obtenu par Bloomberg News ] [ Texte mis à jour le 13 décembre avec l'ajout de Ryan Zinke et de Rick Perry ] [ Texte mis à jour le 21 décembre avec l'ajout de Mick Mulvaney ]