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Implanter des macroalgues en plus de planter des arbres pourrait être la voie de demain pour la lutte aux changements climatiques. Or, le Québec est gâté à ce sujet: le long de ses 6000 km de côtes, les chercheurs estiment à près de 100 tonnes par km, en moyenne, la biomasse algale.

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« Ce n’est pas une idée nouvelle, mais elle génère un engouement scientifique. Parce que ces végétaux aquatiques croissent par photosynthèse en capturant le CO2 de l’eau, la culture des macroalgues – de grandes algues qui peuvent atteindre plusieurs mètres - permet un stockage rapide du carbone », annonce Fanny Noisette, professeure à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski- UQAR, qui et co-organisait cette semaine le colloque « Carbone bleu et changement climatique » lors du colloque de l’Acfas.

Dans ces zones côtières, des régions tempérées aux régions polaires, on retrouve de nombreuses espèces de macroalgues. Il y a les brunes dominées par les laminaires - Laminaria hyperborea, Laminaria digitata, Laminaria latissima – ainsi que des algues vertes et rouges aux capacités variées.

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Les brunes, qui sont les plus grandes, sont aussi les plus productives, ce qui aiguise l’intérêt du milieu scientifique dans la recherche de solutions climatiques. « Leur croissance rapide mais aussi leur lente dégradation et le maintien de la photosynthèse, et de la reproduction, même lorsqu’elles sont dégradées, tout cela stimule la recherche », soutient le plongeur breton et chercheur de la Station biologique de Roscoff, en France, Florian De Bettignies. 

Les algues, qui forment de grandes colonies, croissent en capturant le carbone de l’eau, puis vont se fragmenter en divers détritus qui seront transportés sur les plages mais aussi dans les profondeurs.

Les recherches de Florian De Bettignies à l’aide de cages immergées lui ont permis d’assister à cette dégradation lente des macroalgues, malgré laquelle elles maintiennent leurs fonctions de photosynthèse et de reproduction. « C’est de la matière en transit, pas morte. Même au bout de six mois, tout n’est pas dégradé. Elles ont encore un grand rôle écologique à jouer.»

Des algues meilleures que d’autres pour capter le carbone

Les algues brunes ses retrouvent en abondance sur l’infralittoral, une zone comprise entre 0 et 30 mètres de profondeur.  Et dans les zones plus froides de la planète, ces forêts aquatiques sont de bons capteurs de carbone. « On parle de captation d’un 1 kg de carbone par m2, ce qui représente trois fois plus que dans les régions chaudes. Elles stockent beaucoup mais en renvoient aussi beaucoup dans le milieu », explique la Pre Noisette.

Ça reste toutefois une estimation, parce qu’il est difficile de quantifier avec précision cette capacité de stockage. « Les estimations proviennent d’études disparates », explique Manon Picard, du ministère canadien des Pêches et Océans.

Avec son équipe, elle vise à établir un bilan du carbone bleu pour les écosystèmes de laminaires à Eastern Shore Island, au sud de la Nouvelle-Écosse. Lors de plongées, des carrés de 1 mètre sur 1 mètre (ou quadrats) sont tracés au sein de cette biomasse pour identifier les espèces, les compter et les peser.

Les mesures ont été prises pour deux types d’algues, la Laminaire digitata et la Saccharina latissima (laminaire sucrée), à différentes saisons et donc dans des conditions de températures et de lumière différentes. « Chaque saison fait varier la chimie de l’eau. Le printemps est une période très productive pour la vie dans l’océan. Les premiers résultats montrent par contre que c’est l’automne qui est propice à la Saccharina latissima », partage la chercheuse.

Son équipe doit donc prendre en compte ces variations pour évaluer correctement le potentiel de séquestration en carbone.

Des conditions plus favorables en juillet et août

À Pointe-au-Père, à Rimouski, l’équipe de Fanny Noisette cherche également à quantifier l’oxygène libéré par les algues. Des travaux de recherche un peu fastidieux, car les captations ne peuvent être réalisées que pour une poignée d’algues immergées. Ces travaux sur la laminaire sucrée sont menés entre mai et novembre, en raison de la persistance de la glace d’hiver dans un milieu peu profond.

« Nos premiers tests en laboratoires ont montré que dans notre milieu contrôlé, pour la lumière, il y a cinq fois moins de libération d’oxygène » qu’en conditions naturelles (in situ), relève la Pre Noisette.

C’est la doctorante Stéphanie Roy qui a réalisé les mesures. Pour cela, elle a plongé pour emprisonner chaque algue dans une sorte de sac fermé laissant passer la lumière et l’eau, et muni d’un capteur mesurant les échanges gazeux.

Ils ont noté une photosynthèse tardive, mais prometteuse, en juillet et août, en raison des conditions favorables : une eau plus chaude et moins de turbidité.

Reste que c’était beaucoup moins qu’attendu, ce qui a poussé les chercheuses à s’interroger : « où va tout le carbone et comment est-il séquestré? Les milieux peu profonds sont aussi susceptibles de stocker le carbone mais les conditions doivent être spécifiques », ajoute la Pre Noisette.

Sans compter qu’en raison des conditions météorologiques dans la région de Rimouski,  la glace arrache 80% de la production, tous les hivers. Il faudrait donc un suivi pour comprendre où toute cette matière disparaît et du coup, comment mieux protéger la capacité des algues à emprisonner le carbone.

Carbone bleu, un terme mal connu

La séquestration du carbone en milieu marin enthousiasme également les médias, qui parlent parfois de carbone bleu. Mais en des termes un peu ésotériques, reproche le Breton Florian De Bettignies. « On parle même d’or bleu. Cela pourrait être un des outils dans la lutte aux changements climatiques, c’est vrai », mais on n’en est pas encore là, faute de bien connaître le potentiel. 

Les crédits carbone viennent relancer l’intérêt pour ces écosystèmes de « carbone bleu », qui sont devenus économiquement plus intéressants depuis qu’on a découvert leur potentiel pour la confection d’additifs alimentaires, de cosmétiques, pour l’agriculture, etc.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) s’est même intéressé dès 2019 à la culture des macroalgues pour l’atténuation du changement climatique.

Mais aucun des projets de recherche n’est venu apporter une réponse ferme au potentiel des algues. Comme le souligne Laurence Paquette de l’Institut Maurice-Lamontagne, « les travaux datent souvent de plusieurs décennies et à l’échelle locale, on n’a pas une couverture complète. »

C’est pourquoi, avec l’UQAR, elle travaille à une cartographie des habitats côtiers. Il est nécessaire aussi de sensibiliser les populations environnantes à la nécessité de préserver ces écosystèmes.

Autre demande du milieu de la recherche :« nous aimerions avoir un réseau d’observatoires, comme en Bretagne. Car le suivi des conditions de cette ressource est autant nécessaire que sa protection », relève encore Fanny Noisette.

Le Québec protège 10% des milieux marins, mais la cible est de 30%, rappelle la représentante de la SNAP Québec. « C’est encore peu connu du grand public cette notion de carbone bleu. Il importe aussi de sensibiliser le milieu politique à protéger les écosystèmes en bonne santé contre les dégradations. Plutôt que de restaurer, il faut agir en amont en créant des aires protégées », insiste Marie Cadieux.

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