chien-museau.jpg

L’idée que l’odorat exceptionnel des chiens puisse être mis à contribution pour détecter des maladies revient périodiquement. Elle tient la route: mais il y a des obstacles, constatent le Détecteur de rumeurs et l’Organisation pour la science et la société.


Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurscliquez ici pour les autres textes.


Faits à retenir

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

- L’haleine humaine contient des molécules qui peuvent être associées à différentes maladies
- Des chiens ont été entraînés à cette fin
- La fiabilité du chien comme « détecteur » laisse à désirer

L’origine de la rumeur

Il ne fait aucun doute qu’un chien est de très loin supérieur aux humains pour ce qui est de l’odorat: sa génétique et son anatomie lui permettent de détecter davantage d’odeurs que nous et à des concentrations beaucoup plus faibles.

DDR-OSS-EncadréIndépendamment des chiens, il y a longtemps qu’on sait que certaines maladies peuvent être associées à une odeur. Le Grec Hippocrate faisait mention, il y a 2400 ans, d’un changement d’odeur chez des patients fiévreux, et un texte médical chinois de la même époque contient la plus ancienne observation connue d’une détection, par l’odeur, d’une maladie dans un organe. Il a fallu attendre la fin des années 1700 pour voir les premières tentatives d’analyser l’haleine humaine avec un appareil conçu à cette fin.

Plusieurs des molécules contenues dans notre haleine et sur lesquelles se basent les chercheurs en détection des maladies, sont des composés organiques volatils ou COV. Ces molécules contiennent des atomes de carbone, sur lesquels la vie telle qu’on la connaît s’est bâtie, et elles s’évaporent facilement à la température de la pièce, les rendant détectables dans l’air.

Ces COV se retrouvent dans l’air que nous expirons de multiples façons. Par exemple, l’acétone est générée par les bactéries dans notre corps. Le propanol provient de l’alcool à friction et des produits de soins personnels.

Les analyses de l’haleine « sans détecteur canin » sont utilisées fréquemment. Par exemple, afin de repérer la bactérie responsable des ulcères d’estomac, on ingère de l’urée marquée radioactivement, qui est métabolisée en dioxyde de carbone, lequel sera détecté dans l’haleine. L’hydrogène, l’oxyde nitrique et quelques autres molécules, jouent également des rôles diagnostiques importants. Et bien sûr, il y a l’alcootest: c’est ce qui, dans votre haleine, peut vous trahir si vous avez trop bu.

Les faits entourant le chien

Dans la littérature médicale, une des plus anciennes observations d’un chien reniflant une maladie a pris la forme d’une courte lettre publiée dans The Lancet le 1er avril 1989, et ce n’était pas un poisson d’avril. Une femme de 44 ans a découvert qu’elle avait un cancer de la peau parce que son chien reniflait la lésion et avait même essayé de la mordre lorsque sa maîtresse portait des shorts.

Des chercheurs ont subséquemment commencé à entraîner et à tester de petits groupes de chiens dans le but de détecter des cancers spécifiques dans des échantillons d’urine, de sueur et d’haleine provenant d’individus. Le chien entre dans une pièce et renifle plusieurs contenants. Afin d’attirer son attention vers celui qui contient des cellules cancéreuses, on y ajoute un peu de nourriture pour chien. Lorsque le chien renifle cet échantillon, on le récompense et le fait sortir de la pièce. On répète le tout plusieurs fois. La nourriture pour chien est retirée et, éventuellement, on se retrouve avec un chien qui peut, en théorie, détecter un type de cancer dans un type d’échantillon.

Premier bémol: le chien est-il fiable?

Le premier problème est toutefois que le niveau d’exactitude du chien varie beaucoup. Plusieurs études ont noté des variations entre les races et même d’un chien à l’autre… même pour des chiens entraînés de la même façon dans la même institution.

Il y a aussi le manque de concentration. Un beagle qui avait été entraîné pour renifler les infections à la C. difficile dans les hôpitaux, se faisait distraire facilement, apprend-on en lisant l’article scientifique. Une visite à l’aile pédiatrique n’a pas pu être utilisée, les enfants étant trop excités par le chien.

Et le diabète est un autre problème. Certains chiens sont entraînés pour alerter leur maître d’un taux de sucre dans le sang trop faible ou trop élevé. Sauf que ce que ces chiens détectent exactement n’est pas clair : il se pourrait que ce soient des niveaux élevés d’isoprène dans l’haleine ou même des tremblements musculaires. Bien que la présence de ces chiens puisse améliorer la qualité de vie et alléger le fardeau du diabétique, leur fiabilité pour signaler l’hypoglycémie est donc contestable. Dans une étude de 14 de ces chiens, la performance de seulement trois d’entre eux était supérieure au hasard. Les propriétaires de ces chiens risquent de ne pas être du même avis, mais une étude jette une ombre sur leurs témoignages: alors que l’aptitude de huit chiens à détecter une glycémie avait été jugée médiocre —une moyenne de 14,5 fausses alertes par semaine— les propriétaires ont plutôt livré aux chercheurs une évaluation « beaucoup trop optimiste ».

L’explication réside en partie dans ce qui constitue une « alerte » de la part du chien. Il peut apporter un kit médical, mais il peut aussi japper, lécher, donner la patte, faire un contact visuel, coller son museau, sauter, gémir, se gratter… Bref, être un chien. Ça laisse beaucoup de place à l’interprétation.

Deuxième bémol: un chien n’est pas une machine

Cette question des alertes renvoie à la grosse différence entre un chien et une machine: on ne peut pas « programmer » le chien avec des instructions standardisées. « Les animaux ne sont pas faciles à « fabriquer » à grande échelle, à entraîner, standardiser et réguler », explique le Dr Madhukar Pai, directeur du Centre international sur la tuberculose de l’Université McGill. Il a écrit, entre autres choses, sur l’utilisation, en laboratoire, d’un grand rat africain, le Cricétome des savanes, pour renifler la tuberculose dans les crachats des gens.

Entraîner des animaux est un processus long et coûteux. Il n’est pas facile de l’adapter à grande échelle et un certain entretien de l’apprentissage est nécessaire afin que l’animal ne perde pas cette précieuse habileté. Qui plus est, les animaux ont, eux aussi, des mauvaises journées. Un chien avec une infection respiratoire ne peut plus répondre à la tâche. Il peut, par contre, transmettre des virus et des bactéries à des êtres humains. Et qu’arrive-t-il lorsqu’un chien mord quelqu’un dans un hôpital durant sa tournée de détection de la C. difficile ?

Ce que les chiens et autres animaux représentent, cependant, est une preuve que certaines maladies peuvent effectivement être trahies par une odeur. Il devrait donc être possible d’identifier ces molécules et de construire des machines capables de les détecter.

Cet article est une adaptation du texte en anglais de Jonathan Jarry publié sur le site de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill

Je donne