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Professeure honoraire de l’Université de Montréal, Françoise Armand a oeuvré pour favoriser l’apprentissage du français langue seconde par les élèves allophones issus de l’immigration et l’ouverture à la diversité linguistique et culturelle chez tous les élèves. L’obtention de plusieurs prix souligne l’excellence de sa carrière. 

 

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J’étudie les questions d’apprentissage des langues, et plus spécifiquement du français langue seconde (ou tierce), par des élèves allophones issus de l’immigration qui n’ont pas le français comme langue maternelle, ou en termes plus « dynamiques », par des apprenants et apprenantes bilingues ou plurilingues en émergence. J’ai travaillé en collaboration étroite avec des collègues universitaires, des membres du ministère de l’Éducation, des partenaires issus d’organismes communautaires ainsi qu’avec de nombreux enseignants et enseignantes et conseillères et conseillers pédagogiques. Notre objectif consistait à identifier les conditions gagnantes d’un apprentissage réussi de la langue de scolarisation. Cela nous a menés à considérer l’ensemble des facteurs, tant sur les plans cognitif et langagier que sur les plans identitaire et affectif, qui soutiennent cet apprentissage, et à inscrire cette réflexion dans le champ plus large de l’éducation interculturelle et de l’éducation inclusive. Selon l’UNESCO[1], une éducation inclusive tire profit de la diversité culturelle, sociale et individuelle, qu’elle conçoit comme une richesse, et s’intéresse au développement d’une société plus juste.

Considérant que la prise en compte de la diversité linguistique est une constituante de cette éducation inclusive, nous avons mis de l’avant une approche équilibrée qui met l’accent sur l’apprentissage du français par les élèves bilingues et plurilingues en émergence, tout en reconnaissant l’existence de leur bagage linguistique, constitué de leurs langues maternelles et d’autres langues connues.

Un fort consensus existe chez les chercheurs et chercheuses de plusieurs disciplines pour reconnaître que, compte tenu de l’existence d’une base cognitivo-langagière commune dans toutes les langues, faire appel à ce bagage linguistique lors de l’apprentissage du français langue seconde est pertinent. En effet, cela permet les transferts des habiletés et des connaissances d’une langue à l’autre, comme par exemple des stratégies de lecture. Par ailleurs, dans des milieux scolaires pluriethniques et plurilingues, les chercheurs et chercheuses ont aussi mis en évidence que légitimer tout ce « déjà-là » a des effets positifs sur l’estime de soi et l’engagement des élèves issus de l’immigration.

Autrement dit, l’école a pour mission de leur permettre d’apprendre une nouvelle langue, c’est-à-dire le français, la langue officielle et commune du Québec, sans avoir à oublier ou à rejeter leur langue maternelle ou d’autres langues connues.

 

 « Quand le message donné à l’enfant par l’école, explicitement ou implicitement, est “Laisse ta langue et ta culture à l’entrée de l’école”, les enfants laissent aussi une partie importante d’eux-mêmes, leur identité, à l’entrée. Il est fortement improbable qu’ils puissent participer à l’enseignement activement et avec confiance en sentant ce rejet [2]. » 

 

Ainsi, une question clé soutenait la mise en œuvre de tous nos projets et de toutes nos recherches : Comment les pratiques pédagogiques peuvent-elles à la fois favoriser l’apprentissage du français et légitimiser les langues maternelles des élèves ?

Je ferai ici mention de deux projets de recherche récents.

Le premier, qui a été réalisé en collaboration avec l’équipe de Cécile Rousseau, professeure à l’Université McGill, portait sur l’écriture de textes identitaires plurilingues dans des classes d’accueil au secondaire accueillant principalement des élèves en situation de grand retard scolaire. La production de ces textes était soutenue par des ateliers d’expression théâtrale plurilingues. Les élèves qui ont bénéficié de ces interventions ont exprimé des idées plus riches, écrit des textes plus longs et amélioré leur vocabulaire en français langue seconde, contrairement à celles et ceux qui n’y ont pas participé et qui étaient tenus de ne s’exprimer qu’en français. Également, ces élèves ont développé un rapport à l’écrit plus positif. Cette recherche a mené à la réalisation d’un webdocumentaire intitulé Des histoires et des mots [3], disponible gratuitement sur le site Web ÉLODiL (www.elodil.umontreal.ca).

Le deuxième projet ― les Albums plurilingues ÉLODiL [4] ― qui a cette fois été réalisé au préscolaire, a permis de rendre accessibles, au moyen d’une application, en classe et en milieu familial, 11 albums de littérature jeunesse rédigés en français, traduits à l’écrit dans 22 langues (les principales langues de l’immigration ainsi que deux langues autochtones) et enregistrés à l’oral en français et dans 10 autres langues (pour sept d’entre eux).

Une recherche-action, réalisée dans 10 classes, a permis de montrer qu’à la suite de l’exploitation de ces albums plurilingues au moyen d’activités qui ciblaient le développement langagier, les enfants bilingues ou plurilingues en émergence du groupe expérimental, se sentent davantage capables d’apprendre le français et aiment davantage parler et écouter des histoires en français que les enfants du groupe témoin. Ces enfants pensent aussi qu’ils sont capables d’apprendre la langue de leurs parents et aiment écouter des histoires dans la langue de leurs parents. Ainsi, le « détour » par d’autres langues renforce l’engagement des enfants à apprendre le français et favorise le développement d’une compétence plurilingue. Cette recherche a également démontré plusieurs effets positifs sur le développement de la compréhension orale de récits, des habiletés narratives, du vocabulaire et des concepts de l’écrit. 

Ces albums sont accessibles depuis la rentrée 2021 dans toutes les bibliothèques scolaires du Québec, grâce au projet Biblius [5] du ministère de l’Éducation. Ainsi, grâce à ces albums et aux fiches pédagogiques qui les accompagnent, les enseignantes et enseignants sont outillés, dans une perspective d’éducation interculturelle et inclusive, pour favoriser l’ouverture à la diversité linguistique de l’ensemble des élèves du Québec, qu’ils soient monolingues, bilingues ou plurilingues.

 
 

Qu’est-ce qui vous a profondément motivée à vous intéresser aux questions d’apprentissage des langues et de plurilinguisme ?
 

Je suis habitée d’une curiosité sans fin pour le phénomène « langue », cette capacité exceptionnelle de l’humain à communiquer, à développer une pensée complexe, à garder des traces sous forme de récits oraux ou écrits, à transmettre des connaissances et des savoir-faire, génération après génération. Nous sommes des « êtres de parole », plus que jamais avec les réseaux sociaux, et ce, pour le meilleur et pour le pire quant à notre capacité à développer un dialogue constructif et authentique.

Plus précisément, mon intérêt pour le plurilinguisme est lié à la rencontre avec l’Autre, avec la langue de l’Autre (plus de 6000 langues sur terre !), et sa prise en compte en milieu scolaire, en lien avec mon premier emploi d’orthopédagogue dans des écoles de la « basse ville », dans le port de Toulon (quartier très défavorisé). Ces établissements étaient majoritairement fréquentés par des élèves issus de l’immigration maghrébine. Une partie du personnel scolaire dénigrait les langues arabes de ces élèves, ce qui suscitait des tensions et perturbait le climat de l’école. À l’inverse, nous étions plusieurs intervenants et intervenantes à souhaiter la mise en œuvre d’une éducation inclusive, ce qui nous menait à reconnaître l’existence de ces langues et à combattre le racisme au sein de l’école.

Afin de mieux exercer mes fonctions d’orthopédagogue auprès de ces élèves, j’ai poursuivi mes études en didactique des langues secondes. J’ai eu le plaisir de découvrir les écrits et les travaux de chercheurs et chercheuses émérites comme Michel Candelier en France, Christiane Perregaux en Suisse et James Cummins au Canada. Ces personnes, qui m’ont beaucoup inspirée, ont permis d’identifier les approches respectueuses des identités et favorables aux apprentissages, notamment au moyen d’activités d’éveil aux langues et d’approches plurilingues.

L’éveil aux langues consiste à mettre les apprenants et apprenantes en contact avec une variété de langues plus ou moins familières ou totalement inconnues, à l’oral et à l’écrit, afin de les sensibiliser à la diversité des langues et à celle des êtres qui les parlent. Également, il s’agit, au moyen de tâches d’observation et de comparaison, de les amener à acquérir des capacités métalinguistiques. De leur côté, les approches plurilingues favorisent le recours à toutes les langues du répertoire linguistique de l’apprenant et de l’apprenante pour la réalisation de différentes tâches scolaires, comme résoudre un problème mathématique ou produire un texte identitaire plurilingue.

 

J’ai également pu poursuivre et approfondir ces réflexions grâce à des collaborations avec plusieurs collègues universitaires au Québec et ailleurs. Je suis aussi assurée d’une belle releève du projet ELODiL avec des étudiantes dont j’ai dirigé les études doctorales et qui ont été engagées depuis comme professeures : Marie-Paule Lory à l’Université de Toronto, Catherine Maynard à l’Université Laval et Catherine Gosselin-Lavoie à l’Université de Montréal. Un exemple parmi tant d’autres : on cesse maintenant de concevoir qu’un locuteur ou une locutrice bilingue qui utilise ses deux langues en alternance pendant un échange avec un autre locuteur, lui-même bilingue, est victime de paresse ou de confusion mentale. Au contraire, il ou elle utilise, pour ses besoins de communication et d’expression, ce que l’on nomme un « parler bilingue ».

 
 

Quel est le défi le plus important à l’atteinte de résultats dans vos recherches ?
 

Un important défi portait sur la façon de faire de la recherche en milieu scolaire, et sur la façon de faire en sorte que les enseignants et enseignantes aient le désir d’ouvrir les portes de leur classe aux chercheurs et chercheuses. Pour cela, j’ai rapidement fait le choix de privilégier les recherches collaboratives, les recherches-actions, par profond respect et reconnaissance de l’expertise de terrain des enseignants et enseignantes. Co-construire avec des équipes enseignantes et de conseillance pédagogique des activités pédagogiques fondées sur le mariage de leur expertise et d’une synthèse nuancée des connaissances scientifiques dans le domaine de l’apprentissage des langues, les mettre à l’essai dans leurs classes, recueillir leurs commentaires et leurs réactions, peaufiner ces activités, les remettre à l’essai et en observer les effets sur différentes variables au moyen des outils de la recherche ont vraiment constitué les moments les plus stimulants, sur les plans professionnel et personnel, de ma carrière.

 

De quelle manière vos travaux touchent-ils le grand public ?
 

Grâce, là encore, à de nombreuses collaborations avec des partenaires et des chercheurs et chercheuses, nous avons pu concevoir le site Web ÉLODiL, qui fait rayonner l’ensemble de nos projets et de nos recherches, et qui rend disponibles gratuitement plusieurs ressources (vidéos et ouvrages pédagogiques, articles professionnels et scientifiques, bibliographie de littérature jeunesse, webdocumentaire). Ce site, utilisé en formation initiale et continue des enseignants et enseignantes et ouvert au grand public, est largement fréquenté, ayant reçu 80 000 visites au cours des quatre dernières années. Nul doute que les élèves et les familles, qui sont présents dans plusieurs vidéos, ont eu aussi l’occasion de le visiter et de le faire connaître. Également, comme nous le mentionnions, les Albums plurilingues ÉLODiL sont accessibles aux enseignants et enseignantes, aux élèves et à leurs familles dans tout le Québec. En 2021-2022, ces albums ont été parmi les plus empruntés, notamment celui d’Élise Gravel, Je suis terrible, en tête de liste avec 8260 emprunts (pour les 407 titres de la collection partagée 2021-2022, le nombre de prêts moyen était de 937).

 
 

Travaillez-vous avec des collègues d’autres pays et, si oui, de quelle façon leurs recherches influencent-elles les vôtres ?
 

Pendant une douzaine d’années, j’ai eu la grande chance d’exercer plusieurs fonctions, dont celle de présidente, au sein de l’association internationale EDiLiC  (Éducation à la diversité culturelle et linguistique). Cette association, représentée dans une trentaine de pays, a pour but la mise en synergie des efforts destinés à faciliter la diffusion de l’éveil aux langues et des approches plurilingues dans les systèmes éducatifs. Depuis 2006, avec l’organisation de congrès internationaux bisannuels, qui réunissaient chercheurs et chercheuses et praticiennes et praticiens de terrain, et la publication d’ouvrages synthèses, notre association joue un rôle déterminant pour favoriser les collaborations et échanger sur nos pratiques et nos recherches dans le domaine du plurilinguisme.

 

Dans votre domaine d’expertise, quelle percée dans les dix prochaines années représenterait une grande avancée ?
 

Du côté de la recherche fondamentale, en neurolinguistique, encore mieux comprendre le fonctionnement des « cerveaux bilingues » est une piste à poursuivre. Du côté des politiques et plus largement du climat social, prendre en compte, reconnaître et valoriser la diversité linguistique et culturelle pour favoriser le vivre-ensemble serait nécessaire et important afin de faire face aux manifestations d’exclusion et de racisme.

 

Comment envisagez-vous l’avenir dans votre champ de recherche ?
 

Dans mon champ de recherche, comme plus largement en éducation, nous avons un défi : donner pleinement leur place aux données probantes issues de la recherche, tout en les arrimant à l’expertise des acteurs de terrain et en tenant compte des contextes et des caractéristiques des élèves.

Les personnes qui prennent des décisions, dans les milieux éducatifs, souhaitent le meilleur pour leurs élèves. L’imposition de méthodes « clés en main », identiques pour tous les élèves, peut attirer ces intervenants et intervenantes. Ces méthodes se vendent sous le nom « d’enseignement efficace », que des données probantes appuieraient. Malheureusement, au Québec, selon certaines personnes qui promeuvent ce modèle d’« enseignement efficace », seules les recherches quantitatives (et non qualitatives) permettraient de produire ces données probantes, qui sont transformées en programmes prescriptifs d’activités ciblant de façon décontextualisée des dimensions d’apprentissage limitées. Pourtant, John Hattie, chercheur néo-zélandais qui est une référence quant à la production et à l’analyse de ces données probantes en éducation, est explicite sur les limites de ses travaux[6] : ils constituent, selon lui, « une histoire explicative, pas une recette de ce qui marche » (notre traduction)[7]. Il ajoute également que les missions de l’école sont nombreuses, y compris, entre autres, le développement de la citoyenneté ou du désir d’apprendre, et que ses travaux portent « sur une seule dimension de la réussite de l’élève, ce qui qui constitue une limite à cette revue[8] ». 

Enfin, en lien avec la prise en compte des besoins d’élèves issus de communautés minoritaires (les élèves maoris dans le cas de la Nouvelle-Zélande), John Hattie mentionne toute l’importance de recherches qualitatives approfondies, notamment celles de Bishop et de ses collaborateurs [9] dont les recommandations soulignent, entre autres, la nécessaire prise en compte des connaissances et des expériences antérieures de ces élèves maoris.

Afin de promouvoir une utilisation rigoureuse de la recherche au service de la réussite éducative, nous avons eu, à plusieurs reprises, la possibilité d’échanger avec les intervenants et intervenantes des milieux scolaires sur le fait que ces données scientifiques doivent être utilisées avec nuance, notamment dans le domaine de l’apprentissage des langues. Elles sont là pour éclairer le jugement professionnel des enseignants et enseignantes, capables de les transformer, en fonction des caractéristiques de leur contexte et de leurs élèves, en pratiques pédagogiques de qualité.

Je me permets d’insister sur le fait que la formation de professionnels et professionnelles de haut niveau dans le domaine de l’éducation est un enjeu fondamental au sein d’une société démocratique qui vise à permettre à chaque élève de prendre pleinement sa place dans la société. Ne laissons pas la pénurie actuelle contribuer à dévaluer la profession enseignante.

Dans mon domaine d’expertise, je suis particulièrement satisfaite d’avoir conçu, coordonné et offert, à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, des cours portant sur l’enseignement du français aux élèves allophones à tous les futurs orthopédagogues et enseignants et enseignantes du préscolaire et du primaire. Elles et ils sont prêts à intervenir auprès de ces élèves ! Ces cours font désormais partie de la séquence obligatoire des cours de didactique du français.

 

Certaines décisions politiques ont-elles eu des répercussions dans votre champ d’expertise au cours des dernières années, et, si oui, de quel ordre ?
 

Je travaille sur un sujet sensible en lien avec le maintien et la valorisation du français au Québec. Le défi le plus important est lié à la situation sociolinguistique du Québec, seule province officiellement francophone dans un Canada fortement anglophone, ce qui la place en situation de « majorité fragile [10] ». En compétition relativement à l’anglais, le français se doit de défendre son statut de « langue officielle et commune » du Québec. Les langues d’origine des élèves immigrants peuvent alors être considérées comme un frein à l’affirmation du fait français. Les enseignantes et les enseignants se sentent peu outillés ou alors tiraillés par les discours contradictoires sur la prise en compte des langues maternelles des élèves issus de l’immigration [11].

Notre objet est bien de proposer une approche équilibrée, qui considère que le français doit être pleinement valorisé, mais en considérant les enjeux pédagogiques et didactiques, et dans une perspective d’éducation inclusive. En conséquence, cela n’implique pas le rejet des autres langues, ainsi que cela a été précisé dans un document officiel du MEQ en 1998,Une école d’avenir. Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle [12].

Grâce à des collaborations et à des consultations, cette vision a fait peu à peu sa place auprès de plusieurs décideurs et décideuses, comme, par exemple, dans le récent Programme-cycle de l’éducation préscolaire [13]. Ce programme officiel met de l’avant l’importance de tenir compte de la diversité culturelle et linguistique présente dans les milieux scolaires, mentionnant que lesenfants de quatre à six ans ont besoin « de percevoir une acceptation et un respect de leur bagage linguistique, conçu comme une richesse et non comme un obstacle à l’apprentissage de la langue d’enseignement[14] ».

 

Dans le même ordre d’idées :

l’équipe-école est invitée à porter une attention particulière à la langue maternelle de l’enfant et de sa famille pour accueillir et respecter la diversité de chacun. […] Lorsque cela est possible, des liens sont faits entre la langue d’enseignement et la langue première de l’enfant pour faciliter la communication et le sentiment d’appartenance[15].

 

Également, en 2018, le Centre de services scolaire de Laval (2018) a produit une Politique d’intégration linguistique, scolaire et sociale et d’éducation interculturelle qui va dans le même sens [16].

 

À la suite de la récente adoption du projet de loi 96 et la création du ministère de la Langue française, j’ai confiance que cette approche équilibrée pourra continuer à se déployer, et ce, pour favoriser la réussite de l’intégration linguistique, scolaire et sociale des élèves issus de l’immigration. Ma récente nomination à l’Ordre des francophones d’Amérique [17]par ce ministère me paraît un geste clair dans cette direction et je m’en réjouis. Lors de la cérémonie officielle du 8 novembre 2022 à Québec, j’ai pu présenter cette approche équilibrée et mettre de l’avant l’importance d’éviter une approche coercitive de l’enseignement du français qui ne tiendrait pas compte de la diversité linguistique. Mon allocution se concluait ainsi : « Savourons les mots, leur beauté, leur puissance, leur capacité à nous unir par le dialogue. Continuons à faire du français une langue au service du maintien de la justice, d’un savoir-vivre ensemble, d’une éducation réellement inclusive. »

 
 

Comment l’intelligence artificielle influence-t-elle votre domaine ?
 

Je découvrais tout récemment, grâce à mon fils Julien qui réalise des études sur ces questions, les avancées extraordinaires réalisées dans le domaine du traitement du langage. Ainsi, la société OpenAI a conçu le GPT-3 AI (le plus important modèle de langage jamais entraîné avec 175 milliards de paramètres), qui permet de faire dialoguer deux robots entre eux ! Reste à découvrir tous les impacts de ces avancées technologiques sur l’apprentissage des langues et… à en contrôler les dérives.

 

Si vous aviez un livre à recommander au ministre responsable de votre domaine, quel serait-il ?
 

Je lui recommanderais de lire l’un des chercheurs clés dans notre domaine, soit James Cummins et notamment son ouvrage synthèse de 2000, Language, Power, and Pedagogy: Bilingual Children in the Crossfire chez Multilingual Matters.

Également, je lui proposerais de prendre connaissance des travaux réalisés au Québec par un nombre important de nos chercheuses et chercheurs regroupés, en 2021, dans l’ouvrage de Potvin, Magnan, Larochelle-Audet et Ratel, La diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique en éducation (2e édition), publié chez Fides.

 
 

Si vous aviez un livre ou une autre ressource à offrir à une personne intéressée par le plurilinguisme, quel serait-il ?
 

Je l’orienterais vers notre site ÉLODiL pour découvrir les vidéos réalisées en classe, les articles scientifiques et professionnels, et le webdocumentaire.

 

Quelle est l’une de vos grandes passions, hormis votre travail ?
 

J’avoue ne pas en manquer, mais ce qui caractérise mes autres passions, c’est encore et toujours le plaisir et le besoin de transmettre, d’enseigner : je suis donc devenue instructrice de kung-fu pour les jeunes, professeure de yoga et monitrice de plongée sous-marine. Avec la retraite qui s’en vient, je m’oriente vers une nouvelle étape de mon engagement en éducation. Je compte contribuer à une réflexion sur la place, dans les milieux scolaires, de la « présence attentive », des approches humanistes et contemplatives qui visent à la fois l’acquisition de savoirs, le bien-être psychologique et le développement de diverses compétences socioémotionnelles des apprenants et apprenantes.

 

— Un article de Marie-Paule Primeau, rédactrice en chef de la revue Dire, Université de Montréal

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