
Un peu partout dans le monde, la COVID a contribué à accroître les hésitations d’une minorité à l’égard des vaccins en général, ce qui a poussé plusieurs pays à investir dans des campagnes d’information pour rassurer les parents et dans des efforts pour faciliter l’accès aux vaccins. Il y a un pays qui fait exception à cette règle: les États-Unis.
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Le Brésil, le Nigéria, la Hongrie et d’autres, font partie de ceux qui ont investi pour rattraper les retards entraînés par la COVID —retards causés soit par des hésitations vaccinales, soit parce que la pandémie avait nui aux campagnes de vaccination infantile.
Pendant ce temps, les États-Unis, eux, s’en vont dans l’autre direction. « Les États-Unis, longtemps une pierre angulaire des avancées en santé publique, sont devenus une source inattendue d’instabilité globale dans la confiance aux vaccins », résumait à la mi-août, dans la revue médicale The Lancet, la Britannique Heidi J. Larson, de l’École d’hygiène et de médecine tropicale à Londres.
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C’est d’autant plus paradoxal que la population américaine, elle, favorise encore très majoritairement la vaccination. La méfiance à l’égard des vaccins, au lieu d’être alimentée, comme c’était le cas avant la COVID, par des influenceurs et des réseaux sociaux, est désormais défendue dans ce pays par le ministre de la Santé lui-même et par des hauts fonctionnaires nommés par le gouvernement Trump en fonction de leur loyauté plutôt que de leurs connaissances. Résultat, des subventions de recherche en santé ont été annulées sur la base de mots-clefs. Des coupes budgétaires aux agences fédérales pourraient résulter en un accès réduit aux médicaments. Et le comité aviseur sur les vaccins, formé depuis 1964 d’experts qui recommandent quel vaccin devrait être approuvé dans le pays, a vu ses experts être remplacés par des personnes qui critiquent la vaccination. La Floride en a récemment ajouté une couche, en annonçant que désormais plus aucun vaccin ne serait obligatoire.
Le menace, résume dans le New York Times le pédiatre Peter Hotez, du Collège Baylor de médecine, est que « le mouvement antivaccins à l’américaine », désormais associé aux influenceurs pro-Trump, « se mondialise ».
À travers le monde, selon une compilation publiée en avril dernier, 106 pays avaient des politiques exigeant la vaccination contre au moins une maladie. Les plus fréquemment visées sont la diphtérie, la rougeole et le tétanos. Mais le type d’exigence varie. Dans 48 pays, certains vaccins sont obligatoires pour entrer à l’école. Dans d’autres, comme le Vietnam, l’école joue un rôle central pour inciter les parents réticents à faire vacciner leurs enfants.
D’autres vont plus loin: en Argentine, une personne non vaccinée ne peut pas obtenir un passeport. En Australie, depuis 2016, seules les familles qui ont fait vacciner leurs enfants ont un accès aux paiements gouvernementaux d’assistance familiale.
Et comme on l’a vu il n’y a pas si longtemps, des gouvernements peuvent accroître la pression à se faire vacciner lorsqu’une menace grossit, au grand dam des gens qui étaient déjà hésitants. Par exemple, l’Italie et la France ont ajouté la rougeole à leurs calendriers de vaccination obligatoire après des éclosions de rougeole en 2017 et 2018. Le résultat a été, en deux ans, une augmentation significative du taux de vaccination, de 5 à 6 points de pourcentage.
La même chose s’était produite en Californie en 2015 : après une importante éclosion de rougeole —qui avait eu des répercussions jusqu’au Québec— la Californie avait resserré les règles permettant aux parents de demander une exemption de vaccination « non médicale » —par exemple, pour une croyance personnelle. Le résultat avait été partiellement positif: la proportion d’enfants non vaccinés qui entraient à la maternelle avait diminué. Par contre, des études avaient plus tard révélé que le nombre de demandes d’exemptions avait considérablement augmenté, et que celles-ci étaient 10 fois plus élevées dans les écoles privées que dans les écoles publiques. Robert F. Kennedy Jr, avait été à l’époque l’un des plus virulents dénonciateurs de cette politique californienne, la comparant même à l’Holocauste.
Les gouvernements, commente dans le New York Times l’experte en vaccins Samantha Vanderslott, de l’Université Oxford, « tendent à promouvoir et à soutenir la vaccination parce que c’est un bien de santé publique. Ce qui se passe en ce moment aux États-Unis est fondamentalement différent. »