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Parler de climat en s’imaginant que les climatosceptiques vont tout à coup dire «ah, j’avais tort», est naïf. Une fois qu’on a admis ça, on n’est toutefois guère plus avancé: comment rendre plus efficace la manière dont on communique les faits?

Le journalisme environnemental en sait quelque chose, lui qui n’a pas la partie facile depuis les années 2000: les pages spécialisées dans les médias généralistes et les médias spécialisés eux-mêmes, ont fermé leurs portes, les uns après les autres. Dernier en lice, le Yale Forum on Climate and the Media , un groupe indépendant, financé en partie par l’Université Yale et dont les auteurs sont des scientifiques et des journalistes, a cessé temporairement de publier en avril: voué à l’analyse des perceptions qu’ont le public et les médias des changements climatiques —et à la recherche de solutions pour changer ces perceptions— il veut apparemment rediriger ses efforts, à en juger par son nouveau titre, Yale Climate Connections.

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Pour les chercheurs qui jonglent avec climatologie et sciences de la communication, le cas américain est la démonstration depuis des années de l’impasse où conduit le «modèle du déficit»: c’est-à-dire cette croyance, largement partagée par les scientifiques, que si le public était mieux «informé», il comprendrait la gravité du problème. Or, bien que les informations sur le climat abondent depuis 20 ans, et bien que la plupart des médias américains (à l’exception de Fox News) aient abandonné depuis longtemps leur tendance à présenter le climat comme un débat entre deux camps égaux, il n’empêche que les attitudes de la population n’ont qu’à peine varié: selon un récent sondage Gallup, seulement 24% des Américains considèrent les changements climatiques comme un problème nécessitant «une grande attention» des gouvernants —et 51% considèrent qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

Comme le résume le journaliste environnemental Andrew Revkin dans un reportage récent de la Columbia Journalism Review (CJR), il y a une faille dans la façon dont les journalistes, mais aussi les scientifiques et les communicateurs de toutes sortes, traitent le dossier du climat. «Si vous croyez que de seulement communiquer les données [du GIEC] plus clairement et plus souvent va accomplir quoi que ce soit» vous vous fourvoyez. Il fait référence à un corpus de recherches, mené par exemple par des gens en psychologie comme Dan Kahan et Paul Slovic, qui insistent sur le fait qu’on ne communique jamais aussi efficacement que lorsqu’on fait appel aux émotions d’une personne, mais surtout, aux émotions associées à son bagage culturel. Au groupe auquel cette personne s’identifie. Autrement dit, chaque groupe de gens réagira d’une manière différente à la même information.

Viser l’émotion, faire en sorte que le citoyen se sente individuellement concerné, est le point commun derrière trois initiatives de vulgarisation du climat que met en parallèle l’article de la CJR: des vidéos sur YouTube réalisés par le Centre national de recherche sur l’atmosphère, le site interactif du Rapport sur l’état du climat aux États-Unis —pourtant un rapport tout ce qu’il y a de gouvernemental, commandé par la Maison-Blanche— et la série télévisée documentaire The Years of Living Dangerously , qui utilise efficacement les méthodes journalistiques pour raconter une histoire.

Est-ce que ça marche? Il faudra d’autres sondages Gallup pour le savoir, mais il est certain que le dossier du climat souffre, en plus, d’un second problème de déficit. Au contraire des problèmes de santé, où il est facile d’amener le lecteur ou le téléspectateur à se sentir concerné en lui montrant une famille ou un patient qui souffrent, on s’inquiète peu des impacts du climat dans 50 ans. C’est ce qu’ont compris ceux qui ont financé le Rapport sur l’état du climat aux États-Unis: cibler les impacts région par région, amène le lecteur à se sentir davantage concerné que lorsqu’on les observe d’une échelle trop globale. Ou Years of Living Dangerously, qui est allé chercher des vedettes comme Harrison Ford ou Arnold Schwarzenegger pour mener les entrevues ou accompagner des pompiers de brousse. Des leçons à tirer pour les futurs scientifiques qui rêvent «d’éduquer» le public?

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