«Nous reconnaissons le désir du secteur privé de protéger ses investissements et son personnel sur la Lune ou sur d’autres corps célestes.» Cette lettre émanant d’un directeur de l’administration américaine de l’aviation signale un changement de cap dans l’exploration spatiale. Datée du 22 décembre, elle a été obtenue par Reuters au début de février.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
Pour l'instant, le seul texte de référence est le Traité de l’espace , signé sous l’égide des Nations Unies en 1967. Il stipule qu’aucun pays ne peut proclamer sa souveraineté sur quelque partie de «l’espace extra-atmosphérique», incluant la Lune et les autres planètes. L’espace est, autrement dit, une zone internationale, au même titre que les océans.
En 1979 a été ajouté à cette entente le Traité sur la Lune , signé aujourd’hui par 16 pays dont la France —mais pas les États-Unis, ni la Chine, ni la Russie.
C’était l’époque de la guerre froide entre Washington et Moscou, et plusieurs souhaitaient ne pas transposer là-haut les querelles terrestres. Mais c’était surtout une époque où on n’imaginait pas qu’une course à l’espace puisse être menée par autre chose que des pays.
Or, deux compagnies —SpaceX et Boeing— sont actuellement en lice pour faire la navette entre la Terre et la station spatiale vers 2017. Google a lancé un concours, Lunar X Prize, par lequel elle versera 30 millions$ à la première compagnie privée qui fera se poser une sonde sur la Lune. D’autres planchent sur des projets pour de l’exploitation minière sur la Lune (Bigelow Aerospace) ou sur un astéroïde (Planetary Resources, Deep Space Industries). Sans compter les projets privés d’une expédition vers Mars. Ce sont tous des projets à long terme. Mais pour attirer des investisseurs, certains jugent qu’il leur faut une assurance légale.
Et c’est là-dessus qu’ont discrètement commencé à travailler des gens au sein de l’Administration américaine de l’aviation (FAA), selon les documents obtenus par l’agence de presse Reuters. C’est la FAA qui accorde des permis de lancement d’engins spatiaux aux compagnies privées.
La lettre du 22 décembre était une réponse à une requête de l’année précédente de la compagnie Bigelow Aerospace, qui prépare un projet d’habitat lunaire gonflable. Bigelow y faisait état de son intention d’en faire la première étape d’une base lunaire destinée à l’exploration scientifique et à l’exploitation minière. Et elle demandait à la FAA de lui accorder les droits exclusifs sur la région de la Lune où elle s’installera. La FAA lui répond de manière encourageante: elle va travailler pour qu’il soit possible que Bigelow, ou un autre, puisse acquérir les droits exclusifs sur un territoire lunaire —autrement dit, une division de la Lune en zones d'exploitations, de la même façon qu'on accorde des permis à des compagnies minières sur Terre.
Les documents ne permettent pas d’apprendre comment s’y prendra la FAA, puisqu’un tel droit n’existe pas encore. Même en supposant que le gouvernement américain donne à la FAA le droit d’émettre des permis pour l’exploitation minière sur la Lune, cette «exclusivité» n’aurait aucune valeur aux yeux des compagnies chinoises ou russes. Mais le fait que cette réponse ait été donnée à la compagnie Bigelow signifie que des gens, au sein de l’appareil gouvernemental, ont déjà commencé à travailler sur la façon d’encadrer tout cela dans le droit international.
Ou faudra-t-il dire désormais le droit interplanétaire?