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Le directeur du département de l’environnement du gouvernement de Floride a dit les mots «changements climatiques». Trois fois. Et ça lui a valu une manchette dans le journal local.

«Climate change. Climate change. Climate change. Ça y est, je l’ai dit trois fois», a déclaré Jonathan Steverson dans le cadre d’une audience du Sénat de l’État visant à confirmer sa nomination.

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Il faut dire que la controverse tourne depuis maintenant un mois, sans que l'État de Floride ne soit parvenu à démontrer qu'il n'y ait pas lieu d'y voir une controverse. C'est que pour les Canadiens habitués à entendre parler du «musèlement» des scientifiques de leur gouvernement, même les directives floridiennes semblaient étranges: on n’interdirait pas aux fonctionnaires de parler, on leur interdirait de prononcer les mots «changements climatiques» ou «réchauffement planétaire» (global warming).

C’est un groupe de journalistes d’enquête réunissant plusieurs médias de Floride qui a révélé cette information le mois dernier et depuis, les observateurs là-bas tentent encore d’en mesurer l’impact. En gros, le gouvernement de Floride aurait interdit à son département de l’Environnement l’usage de ces mots dans toute «communication officielle». Ce qui va des rapports et des études jusqu’aux courriels en passant par les documents éducatifs. La directive serait entrée en vigueur en 2011, peu après la réélection du gouverneur Rick Scott, qui n’a jamais caché ses allégeances climatosceptiques.

La Floride est, dans toute l’Amérique du Nord, l’un des endroits le plus à risque: la hausse du niveau des mers menace 30% de ses plages, et une large partie de son territoire n'est qu'à 4 mètres au-dessus du niveau de la mer. L'agence de l’environnement est non seulement chargée d’étudier ce phénomène, mais aussi de proposer des plans d’adaptation. Une ancienne employée, Kristina Trotta, citée par l’équipe du Centre des journalistes d’enquête de Floride, se serait fait dire en 2014 de ne pas utiliser ces mots lors de rencontres d’équipes. «On nous a dit que nous n’étions pas autorisés à discuter de quoi que ce soit qui n’était pas un fait avéré.»

Depuis un mois, les relations publiques du département de l’environnement de Floride se sont contentées d’affirmer qu’il n’existait pas de telle politique, mais ont refusé de commenter davantage.

Le plus gros problème auquel fait face la Floride, davantage que toutes les autres régions de l’Amérique du Nord menacées par la hausse du niveau des eaux, c’est l’immobilier. Selon une enquête de l’agence de presse Reuters parue en septembre 2014, la valeur des propriétés couvertes par un programme d’indemnisation contre les inondations est de 484 milliards$ en Floride. Le Texas suit loin derrière avec 163 milliards$. Qui plus est, deux villes de Floride, Tampa et Miami, occupent les deux premières places des villes américaines les plus vulnérables à un ouragan, selon une liste dressée en 2012 par le groupe Climate Central. Et le comté de Miami rassemblait à lui seul, en 2014, environ 94 milliards$ en valeurs immobilières au bord de mer.

Autrement dit, une baisse soudaine de la valeur des propriétés du bord de mer pourrait avoir un impact dévastateur sur l’économie floridienne.

En 2013, le directeur du département de géologie de l’Université de Miami allait jusqu’à dire, dans les pages du National Geographic : «je ne peux pas imaginer le sud-est de la Floride avoir autant d’habitants à la fin de ce siècle».

La frustration dans certains cercles de Floride atteint des sommets inédits: en octobre dernier, les autorités de la ville de South Miami votaient à 3 voix contre 2 une résolution réclamant l’indépendance du sud de la Floride, en raison de l’inaction du gouvernement de leur État contre les changements climatiques.

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