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« J’espère que tu vas mourir ». « Retourne dans ton pays ». Ce n’est qu’un échantillon de ce que des scientifiques ont rapporté avoir reçu comme commentaires depuis le début de la pandémie, dans une petite enquête publiée cette semaine par la revue Nature.

« Plus vous devenez visible, plus vous allez recevoir des injures », résume  l’historienne Heidi Tworek, de l’Université de Colombie-Britannique, qui étudie justement les attaques dont sont victimes ceux et celles qui, scientifiques ou vulgarisateurs, communiquent les questions de santé depuis près de deux ans.

Ce n’est certes pas nouveau: avant la pandémie, des attaques, y compris des attaques coordonnées grâce aux médias sociaux, avaient été documentées autour d’experts des changements climatiques ou de la vaccination. Dans l’univers francophone, le vulgarisateur connu sous le nom de Pharmachien avait été une cible.

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Mais la présente enquête permet de se faire une idée plus juste des différents types d’attaques: sur les 321 scientifiques qui ont répondu à l'invitation de Nature, plus des deux tiers ont rapporté de telles « expériences négatives » nées de leurs apparitions médiatiques ou de leur présence en ligne. Près du quart (22%) ont reçu des menaces de violences physiques ou sexuelles. Certains ont vu leur adresse personnelle être partagée en ligne. Et six ont dit avoir été attaqués physiquement.

Certes, 85% ont aussi dit que les retombées de leur visibilité médiatique avaient été « toujours » ou « surtout » positives. Les citoyens qui vont jusqu’à injurier et menacer restent une minorité. Mais une minorité bruyante, et qui laisse des traces: l’Agence France-Presse rappelle le cas du virologue belge Marc Van Ranst qui, en mai dernier, a dû quitter sa maison sous protection policière après qu’un extrémiste de droite, armé, ait été arrêté dans sa voiture stationnée à proximité.

L’enquête de Nature n’a pas de prétention scientifique: l’échantillon a été constitué de listes de scientifiques qui, dans une demi-douzaine de pays, sont déjà connus pour accepter les demandes d’entrevues des médias. Mais les résultats, note la revue, confirment que les chercheurs de plusieurs pays reçoivent les mêmes types d’attaques, et dans des proportions plus élevées que ce qui avait été estimé dans une enquête australienne réalisée plus tôt. Aux États-Unis, « la plupart » des agences gouvernementales de la santé ont elles aussi reçu des attaques dirigées contre leurs employés ou leurs dirigeants, ajoute-t-on.

Et en plus du rejet des faits scientifiques, d’autres facteurs vont jouer, explique Heidi Tworek: « si vous êtes une femme ou une personne de couleur d’un groupe marginalisé, les injures intégreront probablement des injures sur vos traits personnels ».

Reste qu’il y a des sujets qui semblent automatiquement déclencher des attaques. Les vaccins, en tête de liste. Plus récemment, l’ivermectine et, avant cela, tout commentaire critique de l’hydroxychloroquine ou de Didier Raoult. « Ils veulent nous réduire au silence », commente la virologue française Karine Lacombe: elle est par ailleurs l’une des signataires d’une lettre ouverte qui, en août dernier, s’élevait contre ces menaces. « J’essaie de ne pas me laisser faire. »

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