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Dans son laboratoire du Centre de génomique de l’Université McGill, David Langlais cherche à combattre le paludisme cérébral. Cette forme de malaria grave qui touche le cerveau, est transmise par les moustiques, dans les régions du monde où l’on retrouve le parasite Plasmodium falciparum. « La résistance aux antibiotiques vient compliquer le travail. Nous cherchons des alternatives. »

Cette infection qui provoque une hyper-inflammation du cerveau affecte majoritairement les enfants (70%), dont la majorité n’ont pas 5 ans. Les antibiotiques peuvent en théorie être combinés aux antipaludiques pour augmenter la réaction mais ils manquent d’efficacité en raison de la résistance croissante des parasites à ces médicaments.

Le professeur au Département de génétique, immunologie et microbiologie humaine travaille généralement avec des souris qui, modifiées génétiquement, ne possèdent plus de protéines produites par le gène IRF1 (Interferon regulatory factor 1, ou premier de la famille des facteurs de régulation de l’interféron), qui est à la base du rôle que jouent les macrophages dans l’immunité.

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Les macrophages sont des cellules appartenant à nos fameux « globules blancs », ceux susceptibles de « digérer » les intrus, comme des bactéries ou des parasites. Lorsque ça se passe bien, ce processus, appelé phagocytose, nettoie littéralement l’organisme des indésirables. 

« Les patients avec des déficiences génétiques sévères, comme celle qui touche IRF1, nous aident beaucoup à comprendre le fonctionnement du système immunitaire », souligne le Pr Langlais.

Il a récemment participé, avec quelques collègues québécois, à une étude internationale pour comprendre ce qu’entraîne cette dysfonction du gène IRF1 dans le système immunitaire humain. Cette étude a été la première à identifier des patients atteints d’une déficience en IRF1 – en raison de deux mutations génétiques particulières. Les deux patients, deux enfants sans liens familiaux entre eux, avaient chacun une des deux mutations.

La plupart des travaux de recherche jusqu’ici portaient plutôt sur les souris mutantes —chez qui le gène produisant l’IRF1 avait été inactivé. Ces études ont mis en évidence le rôle important de l’IRF1 dans le développement de certains types de cellules immunitaires, y compris les macrophages.

C’est grâce à elles que l’on sait que le rôle de l’IRF1 serait majeur dans la régulation de l’expression d’une variété de gènes cibles, en les activant ou en les réprimant. Cela permet de mieux comprendre l’immunité innée, différente de celle acquise progressivement au cours de la vie, au fur et à mesure qu’on est en contact avec des pathogènes – que ce soit de manière naturelle ou lors des vaccins. 

De la malaria à la Covid-19

Étonnamment, cette déficience héréditaire en IRF1 pourrait être, pour certains patients, un mécanisme de protection contre d’autres pathologies, ont constaté les chercheurs. Les deux enfants observés étaient « très sensibles aux infections mycobactériennes (comme la tuberculose) mais peu aux virus », résume le Pr Langlais.

Les enfants, vivant sur des continents différents, présentent donc tous deux une anomalie génétique – mais différente dans chaque cas. Ils n’ont aucun antécédent de maladies virales graves, cela malgré l’exposition à de nombreux virus, dont le SRAS-CoV-2.

Cette étude identifie du coup, en même temps, le rôle essentiel que pourrait jouer le gène IRF1 pour l’activation de la défense immunitaire contre les mycobactéries. « Il semblerait que ce gène ne soit pas indispensable lors de l’exposition à certains virus », soutient le chercheur.

C’est donc que le système immunitaire réagit différemment à différents types d’agents pathogènes lors d’une infection. Les différents mécanismes sous-jacents, ainsi que la façon dont ils sont contrôlés, restent toutefois à mieux cerner. « Ce n’est qu’une première étape », insiste le chercheur.

Spécificité d'une infection

« C’est une très belle étude et un bel exemple de collaboration internationale, où l’on a réussi à étudier les causes génétiques des susceptibilités des infections pour mieux comprendre leurs mécanismes », commente le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la biologie du parasitisme intracellulaire à l’INRS, Albert Descôteaux.  

Cette nouvelle approche pour identifier les deux mutations génétiques responsables des susceptibilités des deux enfants aux infections bactériennes importe, selon cet expert, car « ces deux mutations, une pour chacun des patients, produisent une perte de fonction immunitaire. Cela montre donc la spécificité à un type d'infection. »

C’est depuis le début des années 2000 que l’on connaît ce facteur de transcription IRF1 et son mécanisme de régulation au sein du système immunitaire, rappelle-t-il. Le Pr Descôteaux l’a d’ailleurs  lui-même étudié pour mieux comprendre les infections causées par le parasite Leishmania donovani.

La leishmaniose est l’une des maladies tropicales les plus répandues dans le monde et pour laquelle nous ne possédons pas de vaccin. 

Dans la récente étude, il aurait été intéressant, dit-il, d’élargir le spectre des agents pathogènes étudiés. « On ne sait pas ce qui se passe avec d’autres parasites ou bactéries, comme le leishmania et la salmonella. L’un des auteurs (Philippe Gros) a déjà étudié la résistance de ces pathogènes aux macrophages, pour savoir si ce n’est pas contrôlé par les mêmes mécanismes et pas seulement un certain nombre de virus.

Il serait aussi intéressant de voir si cela se maintient à long terme. « Qu’en est-il de la susceptibilité des virus qui restent en latence dans le corps comme l'herpès simplex (HSV) de type 1 ou 2 – à l’origine de l’herpès ? Est-ce que ces mutations persistent ? C’est une limitation de l’étude soulignée par les auteurs eux-mêmes, cela ouvre une autre avenue de recherche pour mieux appréhender l’impact de ces mutations ».

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