Les climatosceptiques ont servi à quelque chose en 2023: ils ont fait d’une recherche sur la fonte des glaces de l’Antarctique la recherche scientifique sur le climat la plus « partagée » de 2023. Quoique ils lui ont fait dire le contraire de ce qu’elle disait…
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Il ne s’agit pas, dans ce cas-ci, du nombre de fois qu’une recherche a été citée dans la communauté scientifique —qui reste l’indicateur traditionnellement utilisé dans ce milieu. Il s’agit plutôt du nombre de fois qu’une recherche a été citée dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le classement Altmetric offre ainsi, depuis 2011, des « indicateurs alternatifs » à quiconque cherche à mesurer la visibilité des recherches scientifiques. Des bibliothèques universitaires et des organismes subventionnaires lui reconnaissent une utilité pour tenter de mesurer « l’impact sociétal » qu’a pu avoir une recherche, mais l’usage de cet indicateur reste encore limité.
Or, le magazine Carbon Brief s’est livré à l’exercice d’analyser quels types de recherches sur le climat ou l’énergie avaient, selon le classement Altmetric, obtenu le plus de « points » en 2023. On y retrouve des recherches sur l’influence humaine sur le réchauffement climatique, le déclin de la population du Manchot empereur ou les projections climatiques faites par une multinationale du pétrole. Mais la surprise vient d’une recherche sur les « changements dans la calotte glaciaire de l’Antarctique de 2009 à 2019 », qui se retrouve en première place.
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Normalement, note Carbon Brief, les recherches qui se retrouvent en haut du classement le sont avant tout grâce à une visibilité obtenue dans les grands médias. Alors qu’ici, cette « performance » est « principalement le résultat d’un très grand nombre de mentions sur Twitter: plus de 63 000 messages provenant d’environ 48 000 comptes ». Et parmi ces derniers, on retrouve un grand nombre de climatosceptiques influents qui ont cité cette étude, en prétendant qu’elle aurait prouvé que les changements climatiques n’existent pas.
En réalité, la recherche, parue en mai 2023 dans la revue Cryosphere, consiste en une analyse d’une base de données appelée MODIS (Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer): il s’agit d’instruments à bord de deux satellites américains d’observation de la Terre. Les données montrent ainsi des endroits où la calotte glaciaire de l’Antarctique a gagné du terrain pendant la décennie étudiée, et d’autres où elle en a perdu.
Interrogée par Carbon Brief, la professeure en sciences de la Terre Anna Hogg, de l’Université de Leeds, co-auteure de cette étude, explique que « la décroissance de la calotte glaciaire de l’ouest de l’Antarctique est particulièrement importante » parce que « l’écoulement de glace » à l’arrière de cette calotte « est une des raisons pour lesquelles l’Antarctique contribue de façon significative à la hausse actuelle du niveau des eaux ».
Anna Hogg ajoute d’ailleurs que ses collègues et elle-même avaient bel et bien remarqué l’activité inhabituelle sur les réseaux sociaux. Ils n’avaient été capables de répondre qu’à une fraction des tweets citant leur travail de façon erronée. Ils se réjouissent que quelques internautes inconnus aient eu le réflexe de répondre à certains de ces messages, « disant qu’ils avaient lu l’article et qu’il ne contenait aucune preuve à l’encontre des changements climatiques ».