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Comment promouvoir une santé durable en 2024? Il faudrait peut-être sortir du vieux paradigme ne consistant qu’à viser une réduction du nombre de maladies, et s’interroger  davantage sur la prévention.

« Ce n’est pas une idée nouvelle », souligne Anne-Marie Morel, directrice de projets de l’Association pour la santé publique du Québec. Davantage de prévention « va permettre d’avoir accès à plus de santé pour tous. Nous n’avons pas le choix d’alléger le fardeau des services de soins ».

L’Association a déposé à ce sujet un mémoire, dans le cadre de consultations publiques québécoises pré-budgétaires, intitulé Investir dans la réduction de la maladie, où on lit qu’il serait possible de réduire le fardeau des maladies, avec un environnement favorable et des actions de promotion à la santé.

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Anne-Marie Morel rappelle toutefois qu’au Québec comme ailleurs, le budget est limité du côté de la prévention. « Les soins de santé représentent 1 milliard par semaine, soit 50% du budget de l’État, alors que pour la prévention, c’est seulement 2%. » 

L’organisme s’est joint à de multiples acteurs de la santé publique, de la recherche et du communautaire, pour publier l’an dernier le Livre de la réduction de la maladie au Québec. Il se veut « le socle d’un Plan santé 2.0 », un plan d’action pour réduire les coûts des soins en investissant plus en prévention.

Prendre notre mode de vie à bras-le-corps

Il est aujourd’hui possible d’être à la fois actif et sédentaire, critique le kinésiologue René Maréchal, en raison de notre mode de vie empreint d’inactivité physique.

Aller au gym une ou deux fois par semaine et travailler le reste du temps assis, c’est en faire trop peu pour notre santé. « C’est un continuum et il nous appartient de briser cette tendance à ne pas faire assez d’exercice et à ne pas atteindre nos objectifs », rappelle le professionnel de la Clinique universitaire de kinésiologie de l’Université de Sherbrooke.

Un comportement sédentaire, c’est une activité caractérisée par une faible dépense énergétique en position assise, inclinée ou allongée. Cela augmente les risques de maladies chroniques (diabète de type 2, obésité, etc.), de maladies cardiovasculaires (une augmentation du risque de 150%) et de mortalité.

« Le risque de mortalité augmente de 60% chez une personne qui reste assise 16 heures ou plus par jour », précise l’expert de l’exercice physique. La lutte à la sédentarité sera sans doute l’un des grands défis de notre société moderne.

Il nous faut agir dans les quatre sphères de notre vie —domestique, transport, travail et loisirs— pour favoriser durablement notre santé globale. Cela passe aussi par « lâcher » plus souvent nos écrans, comme le soulignait Guy Desrosiers, le directeur de Capsana, une organisation à vocation sociale propriété de la Fondation ÉPIC de l'Institut de cardiologie de Montréal, lors du 2e Sommet de la santé durable qui avait lieu en janvier.

Réseaux sociaux et GAFAM : « c’est ce qu’on appelle l’ « économie de l’attention », un modèle d’affaires qui semble gratuit mais pose de nombreuses questions éthiques. Les gouvernements ne sont pas capables de suivre et d’encadrer ces avancées technologiques. Ils demandent trop souvent aux individus de s’auto-discipliner », rappelait Guy Desrosiers.

C’est en plus de l’invasion du travail dans nos vies personnelles. « Nous avons besoin de déconnexion, mais nous en sommes devenus dépendants. C’est une véritable addiction, comme le tabac. » Au point où, poursuit-il, nous sommes en train de construire quelque chose d’incompatible avec une société en santé. 

Moins de médicaments

Également présente au Sommet de janvier, la pharmacienne Camille Gagnon milite pour un meilleur usage des pilules. Elle rappelle que la polypharmacie – la surcharge de médicaments – occasionne entre 6 et 12% des hospitalisations des aînés.

« Les aînés, c’est le groupe d’âge qui en consomme le plus, avec parfois une dizaine de médicaments à prendre plusieurs fois par jour, soit plus de 35 comprimés », détaille la directrice du Réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription.

Si leur utilisation apporte de nombreux bénéfices, la popularité des médicaments fait qu’on oublie de les réévaluer régulièrement, sans compter l’ajout des pilules disponibles sans prescription. « Leur combinaison fait souvent plus de torts que de bienfaits. Elle présente des risques d’interactions médicamenteuses, ce qui peut provoquer des chutes et fractures, de la confusion et même des pertes d’autonomie », soutient la pharmacienne.

Elle prend pour exemple la forte consommation québécoise de somnifères dont l’usage augmente à la fin de la cinquantaine avec l’arrivée de la ménopause et des problèmes de sommeil. « Il y a une culture de la prescription. On les prescrit sans mentionner les risques de dépendances ni d’autres approches plus naturelles », souligne-t-elle.

En plus du fait que le vieillissement ajoute de nouveaux traitements, sans enlever les anciens.

C’est là aussi que l’insistance sur la prévention, plutôt que de seulement cibler la réduction des maladies, prend son sens. Pour Mme Gagnon, il serait temps de proposer des solutions alternatives – avec des thérapies comportementales pour les problèmes de sommeil, par exemple – et de donner accès à d’autres formes de professionnels de la santé (nutritionniste, psychologue, kinésiologue).

« La polypharmacie est un réel enjeu de santé publique. Il faut aussi parler de l’adhérence au traitement avec les médecins et leur apprendre à déprescrire dans une approche collaborative avec le patient », note Mme Gagnon, convaincue que l’usage approprié des médicaments serait un pilier des mesures de santé durable.

Vers un chantier de la santé durable?

Au cours du Sommet de la santé durable, les experts soulignaient pourtant que « prévention » serait aujourd’hui devenu un mot galvaudé. « C’est le rôle de tout le monde et la responsabilité de personne. Nous avons besoin de nous concerter. Il existe un fossé énorme entre ce qu’on sait (dans les centres de recherche) et ce que l’on fait sur le terrain », relève Jean-Pierre Després, le Directeur scientifique de VITAM – Centre de recherche en santé durable.

Il serait donc temps d’investir en prévention et de corriger les inégalités existantes, soutient à son tour le sous-ministre adjoint à la Direction générale de la santé publique du ministère québécois de la Santé, le Dr Horacio Arruda : « il faut changer de culture pour garder le système public dont on parle et que l’on a bâti ».

C’est une question de responsabilité collective, renchérit la Dre Julie Saint-Pierre, pédiatre et Directrice de la Maison de Santé Prévention de Montréal : « il faut se mettre au niveau de la collectivité et faire plus d’éducation, avant de mettre la responsabilité sur l’individu, comme on l’a trop souvent fait ces 30 dernières années ».

Pour cela, il faut consacrer des efforts en éducation et en littératie en santé : rappelons que plus de 50 % de la population âgée de 15 à 65 ans ne parvient pas à comprendre de l’information complexe en matière de santé. « Il faut passer par l’école, comme on l’a vu dans le cas du tabac et du cancer du poumon. Il faut s’assurer de rejoindre tout le monde et s’adapter au milieu de vie, pour outiller autant ceux en région que ceux de Montréal », note encore David Raynaud, gestionnaire principal Défense de l’intérêt public, à la Société canadienne du cancer.

Il serait également le temps de réorienter le système en soutenant les besoins d’autonomie des aînés, et « de changer de culture pour travailler auprès des populations vulnérables, les valoriser et les soutenir par des interventions sociales et de santé. Pour y arriver, les citoyens ont besoin de services de proximité, comme un meilleur transport adapté », affirmait la Commissaire québécoise à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay.

Place à un « grand chantier pour la démocratisation de la santé », croit Jean-Pierre Després. « Ce que les gens veulent, c’est être écouté. Il faut aussi prendre les signes vitaux de nos modes de vie pour trouver les bons outils », ajoute celui qui est auteur d’un ouvrage destiné à aider les gens à passer à l’action, La révolution active. De la gestion de la maladie à la promotion de la santé (Éditions du Journal, 2023).

Le volet prévention de l’actuel Plan santé québécois du ministre Dubé est un pas dans la bonne direction: des cibles ambitieuses autant dans l’offre de logements abordables que dans les 80% d’enfants qui devraient un jour démarrer leur scolarité sans facteurs de vulnérabilité. Mais il y a encore de nombreux défis.

Les changements climatiques, le vieillissement de la population, l’accroissement des inégalités de santé, les problèmes de santé mentale: « tous ces défis ajoutent au fardeau et multiplient les priorités. Il faut travailler ensemble, pas en silo, et mettre plus d’argent pour la santé publique car il y a beaucoup de souffrances évitables», conclut Mme Morel.

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