«Présentement, nous en sommes incertains. Mais plutôt que de ne rien faire, nous devons agir en amont et évaluer nos vulnérabilités», avance Nathalie Bleau, chercheuse à la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal et membre d’Ouranos, un organisme s’intéressant à l’adaptation aux changements climatiques.
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«Comme le risque zéro n’existe pas, renchérit Mustapha Kebiche, professeur associé au département de géographie de l’UQÀM et l’un des organisateurs de ce 7e colloque sur les risques naturels au Québec, il nous faut être le plus prêt possible. Les sinistres sont d’un grand enseignement sur nos vulnérabilités et nos pratiques de prévention, d’intervention et de rétablissement.»
Nathalie Bleau et son équipe de recherche ont d’ailleurs procédé à une analyse de la vulnérabilité sociétale et territoriale aux inondations en milieu urbain dans le contexte des changements climatiques. Cette analyse a permis de cartographier les zones inondables de la partie nord de Montréal, le long de la rivière des Prairies. Selon cette étude, ces zones ne s’avèreraient pas si nombreuses –seulement 5%. Une mauvaise nouvelle: les chercheurs se sont rendu compte qu’ils manquaient de données pour retracer toutes les zones inondables. «Souvent on se dit, c’est un problème commun au Québec et que les municipalités possèdent sûrement ces informations. Ce n’est pas le cas: il n’y a pas beaucoup de bases de données organisées. Il est donc nécessaire de systématiser la pratique de compilation d’information», relève la chercheuse.
Faire peur pour prévenir?
Fortement médiatisée à la suite des inondations de 2011, la trousse québécoise de survie a encore de nombreux détracteurs. «Peu de gens connaissent les risques naturels et prennent des mesures pour les prévenir pensant que c’est farfelu de le faire», enchaîne le sismologue Maurice Lamontagne à la Commission géologique du Canada.
Son projet de sensibilisation sur les tremblements de terre –des géorisques dévastateurs, mais peu fréquents au Québec– l’a amené à identifier les facteurs concrets qui poussent les gens à se préparer à ces risques: l’imminence et l’ampleur de la menace, ses conséquences directes, la certitude de l’utilité de cette préparation, l’exemple de personnes proches et de leaders locaux, la crédibilité et la convergence des sources.
La crise du verglas a été un bon apprentissage à la survie pour de nombreux citoyens. D’autant que, selon la Loi de la responsabilité civile, ils ont leur part de responsabilité en matière de prévention, rappelle-t-il. Cette loi prévoit en effet que toute personne doit faire preuve de prévoyance et de prudence à l’égard des risques de sinistre présents et connus dans son environnement.
Alors quel message faut-il envoyer afin que les citoyens prennent les devants face aux risques naturels? «Le message de la peur ne porte pas dans le cas des inondations. La majorité des sinistrés se réinstalle au même endroit. Il faut travailler sur autre chose, comme sur les normes d’habitation », conclut Nathalie Bleau.
Apprendre des catastrophes
Quelles leçons peut-on tirer des inondations catastrophiques de Bangkok, en Thaïlande et du tremblement de terre de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, deux événements marquants de l’année 2011?
La capitale de la Thaïlande a donné au reste du monde une leçon de réalité en gérant cette catastrophe naturelle de grande ampleur. Entre juin et novembre, les 2/3 du pays ont été inondés, 600 personnes sont décédées et les pertes économiques ont été évaluées à 40 milliards de dollars. «Cet événement a été d’une grande fatalité, comparable à l’ouragan Catherine. Les eaux ont continué à monter et la décision de sacrifier l’est de Bangkok a été prise en utilisant les canaux de la ville pour drainer l’eau vers les banlieues , raconte le géographe de l’UQÀM, Yann Roche. Mais ces mesures n’ont pas été suffisantes, comme l’a montré le portrait de la situation suivi en direct sur Internet. La surveillance de système satellite a cependant permis de cartographier la crise.
Quand le risque est devenu réalité à Christchurch, les citoyens ont dû apprendre à vivre avec la peur et la reconstruction. Yona Jébrak, professeure au département d'études urbaines et touristiques de l'École des sciences de la gestion à l’UQÀM, s’est intéressée à la résilience urbaine après le traumatisme.
La municipalité a lancé une initiative de consultation citoyenne. Plus de 100 000 tweets ont généré des idées de reconstruction. La ville foisonne aussi de projets artistiques, gages de la mémoire de ses citoyens. Des lieux de socialisation communautaire ont même été créés. «J’ai découvert la présence d’une résilience collaborative pour reconstruire la ville la plus idéale possible. Ce projet se poursuit alors que la population continue à trembler et doit intégrer ce risque dans son futur», raconte la chercheuse. Parce qu’un an après, ce n’est toujours pas une affaire classée!