C’est ce qu’écrit le météorologue américain Jeff Masters, dont le blogue Weather Underground est une revue de presse de l’actualité climatique mondiale. « Dans mes 30 années de météorologiste, je ne me rappelle pas avoir vu une année comme celle-ci, en ce qui concerne les événements extrêmes, pas seulement aux États-Unis mais dans le monde en général. »
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Et il n’est pas difficile de trouver d’autres déclarations du même genre : « l’expression une fois par 100 ans a perdu toute signification cette année », lance Craig Fugate, de l’Agence américaine de gestion des urgences, qui a eu à faire face à un nombre record de désastres naturels en 2010 —rien qu’aux États-Unis.
Les climatologues se gardent bien d’associer une année au réchauffement climatique. Il y a toujours eu des tempêtes hors du commun, et il y en aura toujours. Par ailleurs, tous les scientifiques savent qu’il y a un seuil, ou plutôt des seuils, au-dessus desquels les systèmes atmosphériques seront irrémédiablement perturbés, mais personne ne sait où sont ces seuils.
Les assureurs paient plus qu’avant pour des dégâts liés à de telles catastrophes, mais les critiques ont beau jeu de rétorquer que davantage de gens qu’avant sont assurés (en septembre par contre, le géant de l’assurance Munich Re a publié un communiqué intitulé Le grand nombre d’événements extrêmes est un indicateur sérieux des changements climatiques). Parallèlement cette année, jusqu’à un quart de million de personnes seraient mortes des suites de ces catastrophes, soit le pire bilan « depuis plus d’une génération ». Mais là encore, est-ce le signe d’une tendance, ou l’effet d’une année « au-dessus de la moyenne »?
En attendant de trancher, il reste les statistiques. Dix-neuf pays, selon la compilation de Jeff Masters, ont battu cette année leur propre record de chaleur, et 19, c’est un record. Parmi eux, le Pakistan a atteint, dans l’antique ville de Mohenjo-daro, 53 degrés et demi le 26 mai, une température jamais enregistrée en Asie depuis deux siècles que ces mesures existent. Des déluges ont frappé l’est des États-Unis, notamment le Tennessee en mai, tandis que l’ouest battait des records de chaleur. Des déluges ont également dévasté le Sichuan, en Chine, où on parle des pires inondations en 150 ans. En Amazonie, la troisième sécheresse en 12 ans serait commencée. Et il y a le cas des inondations catastrophiques au Pakistan, et des canicules en Russie, deux événements causés par le même système climatique.
Dans certains cas, on connaît la cause immédiate. Par exemple, la sécheresse en Amazonie est le résultat des eaux de surface plus chaudes dans l’Atlantique. Les dévastations plus grandes dans certains pays en voie de développement sont le résultat de constructions humaines trop fragiles.
Dans d’autres cas, comme la vague de froid extrême qui frappe en ce moment l’ouest de l’Europe, ou celle qui vient de toucher le centre des États-Unis, on cherche encore cette cause immédiate.
Mais surplombant ces causes immédiates, est-ce que tous ces événements extrêmes sont liés, ou s’ils sont simplement le fruit d’une année plus malchanceuse? Les climatologues aimeraient bien le savoir.
Des réponses, ils en ont tout de même quelques-unes. Des chutes de neige supérieures à la normale alors que la Terre est censée se réchauffer? Normal : les modèles prévoient depuis longtemps que le réchauffement climatique se traduira par des précipitations plus élevées. Donc, en hiver, plus de neige. C’est « un symptôme d’une température de l’eau plus élevée à proximité de la côte, ce qui crée davantage d’humidité », donc davantage de pluie ou de neige, explique à l’émission Living on Earth Kevin Trenberth, du Centre national de recherche atmosphérique (Colorado).
Trenberth est un de ceux qui s’avancent, prudemment, à pointer le réchauffement climatique. « Pour certains des événements que nous avons eus cette année, il est clair... que les probabilités ont changé. Nous pouvons sans doute dire que certains ne seraient pas survenus sans le réchauffement planétaire, sans l’influence humaine sur le climat. »