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La semaine dernière, la firme américaine de relations publiques Edelman s’est retrouvée sur la sellette lorsque tout le monde a pu lire sa stratégie de communication «secrète» pour défendre une pétrolière et son futur pipeline québécois. Or, on aurait tort de cibler uniquement Edelman...

 

La relationniste Catherine Orer s’est offusquée sur son blogue, le 18 novembre, de l’image de sa profession que ce plan de communication renvoie. Pour elle, Edelman «donne une mauvaise réputation aux relations publiques». Elle énumère trois raisons pour lesquelles les recommandations d’Edelman —qu’elles aient été suivies ou non par la pétrolière TransCanada— n’auraient jamais dû voir le jour: elles reposent sur des mensonges, sont irrespectueuses du public et offensantes pour les environnementalistes.

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De voir une firme de relations publiques, payée un énorme montant d’argent, en arriver avec des recommandations aussi trompeuses est si offensant pour ces petits groupes qui travaillent si fort et dont la voix est rarement entendue.

 

Il existe aussi des codes d'éthique dans ce milieu. Celui de la Société canadienne des relations publiques stipule ainsi que:

 

Tout membre doit s'astreindre aux plus hautes normes d'honnêteté, d'exactitude, d'intégrité, de vérité et ne doit pas sciemment diffuser des informations qu'il sait fausses ou trompeuses.

 

Or, il s’avère qu’Edelman est loin d’être une exception. Des auteurs de livres comme Naomi Oreskes (Merchants of Doubt, 2010), James Hoggan (Climate Cover-Up, 2009) et Wendell Potter ( Deadly Spin , 2011), de même que des sites comme le canadien DeSmogBlog (James Hoggan, encore) et l’américain PR Watch: tous ont, au fil des années, pointé un doigt accusateur vers d’autres géants des relations publiques, pour leur défense de clients qui ont nié les changements climatiques. Sont particulièrement visées, les firmes américaines Burson-Marsteller (une des plus grosses compagnies de relations publiques au monde), APCO Worldwide, Hill & Knowlton ou Fleishman-Hillard.

Deux de ces compagnies étaient même impliquées dans le scandale qui avait embarrassé l’Université de Calgary. Une vérification comptable avait révélé qu’en 2004-2005, un don d’un demi-million de dollars censé servir à des recherches en sciences politiques avait plutôt servi à une campagne de relations publiques... climatosceptique. Une partie de cet argent avait été payé à APCO Worldwide pour «des services de communication stratégique» (plus de 100 000$) et à Fleishman-Hillard (plus de 25 000$).

Incidemment, le généreux donateur de ce demi-million était «Friends of science», un groupe de Calgary, à l’époque financé par l’industrie pétrolière, qui a resurgi dans l’actualité ces derniers jours, lorsqu’un de leurs panneaux publicitaires anti-réchauffement est apparu à Montréal.

Etre relationniste pour des climatosceptiques?

En août, le quotidien The Guardian avait publié les résultats d’un questionnaire envoyé à 25 des plus grandes firmes internationales de relations publiques: seulement 10 avaient répondu qu’elles ne travailleraient jamais avec des clients climatosceptiques.

Edelman, qui n’était pas parmi ces 10, s’était senti obligée de fournir une nouvelle réponse quelques jours plus tard, afin d’affirmer que «nous n’acceptons pas de clients qui ont pour objectif de nier les changements climatiques». Toutefois, sa liste de clients comporte des groupes américains fermement opposés à toute réglementation des gaz à effet de serre.

Des pratiques courantes

Dans beaucoup de cas, comme dans le document d’Edelman révélé par Greenpeace la semaine dernière, les stratégies suggérées ressemblent à celles qui ont été inventées à l’époque où certaines de ces mêmes firmes défendaient les compagnies de tabac. L’implication de la compagnie Edelman par exemple, a été révélée parmi les documents rendus publics dans le cadre des procès américains du tabac, dans les années 1990.

Quant à APCO Worldwide, elle a été spécifiquement fondée, en 1984, par une firme d’avocats défendant les géants du tabac. C’est à APCO, embauchée par le cigarettier Philip Morris, qu’on doit la création, en 1993, d’un groupe soi-disant indépendant, appelé la Coalition pour la défense d’une science solide, dont la mission était de s’opposer aux futures lois américaines sur la cigarette.

Burson-Marsteller (B-M), la plus grosse de toutes ces firmes, a créé un groupe similaire, l’Alliance nationale des fumeurs, au début des années 1990. Elle a récidivé, pour ses clients du secteur de l’énergie cette fois, en créant la Fondation pour l’avancement d’un air propre (Foundation for Clean Air Progress) en 1995, dont la mission était d’empêcher l’Agence américaine de protection de l’environnement de renforcer les normes anti-pollution.

En-dehors des enjeux scientifiques, Burson-Marsteller est également célèbre pour avoir eu parmi ses clients le gouvernement du Nigéria, à l’époque où il était accusé de génocide pendant la guerre du Biafra, le gouvernement militaire de l’Argentine, désireux de se défendre contre les accusations d’avoir fait disparaître 35 000 opposants, et le gouvernement de l’Indonésie, après les massacres au Timor-Oriental. B-M a également défendu la compagnie Union Carbide, après la fuite de gaz de son usine de Bhopal, en Inde, qui a tué 15 000 personnes.

Au Canada, le partenaire principal de B-M est National, la plus grande firme de relations publiques au pays. Elle n’apparaît toutefois que brièvement sur les écrans radar des groupes environnementaux, pour avoir créé, en 2002-2003 une coalition (Canadian Coalition for Responsible Environmental Solutions) qui prétendait représenter un large éventail d’intérêts économiques opposés à ce que le Canada signe le Protocole de Kyoto.

 

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