Hobbit-caverne

Les habitants actuels de l’île de Flores, en Indonésie, ne partagent pas de gènes avec les « Hobbits » ce mystérieux groupe d’humains de petite taille qui a vécu sur cette île il y a 60 000 ans. Et pourtant, eux aussi semblent avoir une tendance, à long terme, à diminuer de taille. Que se passe-t-il sur cette île ?

De ces « Hobbits », ou Homo floresiensis, on sait peu de choses depuis la découverte d’une poignée de leurs ossements en 2003, appartenant à huit individus. L’hypothèse la plus communément admise est qu’il s’agit de descendants de l’Homo erectus qui seraient arrivés sur cette île il y a des centaines de milliers d’années et dont la taille aurait progressivement diminué au fil des millénaires — un phénomène connu des biologistes sous le nom de nanisme insulaire, qui semble être lié à la pauvreté des ressources dans un milieu isolé du reste du monde.

Le fait que les villageois modernes de Rampasana, le village voisin, soient eux-mêmes de petite taille — 1,45 mètre, contre moins d’un mètre 20 pour le Hobbit — ouvrait du coup la porte à une autre hypothèse : les premiers Homo sapiens débarqués sur cette île, il y a moins de 10 000 ans, auraient-ils pu engendrer une descendance avec ces lointains cousins des Homo erectus ?

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Déjà, la datation des fossiles rendait cette idée improbable : alors qu’en 2003, les archéologues avaient estimé l’âge des plus récents occupants de la caverne de Liang Bua à 18 000 ans, des analyses postérieures ont fait reculer cet âge à 60 000 ans, soit avant que l’Homo sapiens ne se soit aventuré jusqu’à ces îles.

Mais seule la génétique aurait permis de trancher. À défaut d’avoir réussi à obtenir suffisamment d’ADN intact de ces huit fossiles, les chercheurs ont donc obtenu la collaboration des villageois, et en 2013, ont prélevé de la salive chez 32 personnes. Ce sont les résultats de ces analyses qui sont parus la semaine dernière dans la revue Science.

Il en ressort un petit pourcentage de cet ADN qu’on peut attribuer à des Néandertaliens ou des Dénisoviens — comme chez la plupart des gens du reste du monde — et un petit pourcentage, le plus intrigant, qu’on ne peut attribuer à aucun de ces deux groupes. Sauf que ces fragments « inconnus » ne sont pas si différents de ceux qu’on retrouve chez nous tous — au contraire de ce à quoi on serait en droit de s’attendre si ces villageois avaient parmi leurs ancêtres directs une branche oubliée de l’Homo erectus.

Les généticiens restent donc avec un mystère sur les bras : la relative petite taille des habitants de la région. À deux reprises dans l’histoire de l’évolution humaine, deux groupes d’humains, indépendants l’un de l’autre, sur la même île, ont vu leur population progressivement diminuer de taille.

Les biologistes qui ont étudié le nanisme insulaire — chez les éléphants nains de l’île de Crête ou de Sicile, par exemple — pointent le manque de nourriture comme cause principale : un plus petit corps a plus de chances de survivre dans un environnement où la nourriture manque, parce qu’il aura besoin de moins de calories. Mais cette idée a des trous : de nombreuses espèces isolées sur des îles n’ont pas évolué ainsi. Et pour autant qu’on puisse en juger, les Pygmées d’Afrique n’ont pas évolué vers une petite taille en raison d’une raréfaction des ressources. L’île de Florès pourrait donc contenir la clef d’un mystère qui tient à la fois de l’environnement et de la génétique.

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