Une souris, née d’un ovule mais sans l’aide d’un spermatozoïde, a survécu jusqu’à l’âge adulte, et a elle-même eu des bébés. Une première dans le monde des mammifères.
En termes savants, on parle de parthénogenèse, un phénomène qui, bien que rare, a été observé chez plusieurs espèces animales: des pucerons, des daphnies (ou puces d’eau) et même certains reptiles. On connaît aussi des cas, comme les abeilles, où la femelle a la capacité de fertiliser elle-même ses oeufs —quoique dans ce cas, elle y arrive grâce à des spermatozoïdes emmagasinés dans un sac et reçus des mâles pendant son vol initial.
Mais y arriver en laboratoire avec des mammifères semblait être une mission impossible, et ce n’était pas faute d’avoir essayé depuis des décennies: on parle par exemple depuis longtemps de « stimuler » électriquement l’ovule pour lui « faire croire » qu’elle a été fertilisée.
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La percée qu’un groupe de trois chercheurs chinois décrit dans une étude parue le 9 mars, a impliqué l’utilisation de la technique de manipulation génétique CRISPR. En gros, les chercheurs, associés à trois institutions chinoises et une américaine, ont d’abord dû doubler le nombre de chromosomes dans l’ovule d’une souris, pour tenir compte de ceux qui auraient été apportés par le spermatozoïde. Mais comme en temps normal, la moitié de ces chromosomes auraient été rejetés pour laisser place aux nouveaux, ils ont aussi dû altérer des gènes de sept régions impliquées dans le développement de l’embryon, pour « tromper » les mécanismes de l’ovule. Autrement dit, leur faire croire que ces gènes étaient ceux du mâle, et non des copies de ceux de la femelle —après coup, l’ovule a pu commencer à se diviser.
Il a tout de même fallu aux chercheurs altérer ainsi 227 ovules, résultant en 192 embryons, dont seulement 14 ont été menés à terme. Trois sont nés et seulement une a survécu jusqu’à l’âge adulte —et vient d'avoir à son tour des bébés. Il est précisé dans l’étude que les trois souris vivantes étaient en dessous de leur poids normal à la naissance et présentaient certaines « anomalies génétiques ». Cela suggère qu’on est encore loin de bien comprendre les mécanismes derrière ces sept régions du génome impliquées dans le développement de l’embryon. Ou bien, c'est parce que CRISPR n'est peut-être pas aussi précis qu’on le pense lorsqu’il s’agit d’altérer ce qu’on appelle les marques épigénétiques —celles qui, dans cette expérience, ont fait en sorte que certains gènes aient été activés comme s’ils étaient ceux apportés par le mâle.
Autrement dit, les chercheurs ont résolu une partie du casse-tête qui fait que certains gènes sont choisis parmi ceux apportés par le mâle, avant que l’ovule ne devienne un foetus en bonne et due forme. Mais une grosse partie du casse-tête demeure encore dans l’ombre.
Crédits photo: Yanchang Wei / Centre de médecine de la reproduction de l'Université Jiao Tong de Shanghai.