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Si tout se passe comme prévu, le premier traitement médical basé sur CRISPR, cette nouvelle technologie de modification des gènes, pourrait être approuvé aux Etats-Unis et en Europe dans les prochains mois. Et à la vitesse où CRISPR évolue depuis 10 ans, plusieurs autres traitements pourraient suivre.

La première maladie ciblée, l’anémie falciforme ou drépanocytose (en anglais, sickle cell disease), fait l’objet d’une expérience commencée aux États-Unis il y a quatre ans. C’est l’une des maladies génétiques les plus répandues. Elle amène les globules rouges à prendre une forme anormale, au point de bloquer la circulation et causer des douleurs qui empirent avec l’âge, voire endommager les organes. Depuis quatre ans, 36 patients ont été progressivement intégrés à l’essai clinique. De ce nombre, 17 ont aujourd’hui été traités assez longtemps pour qu’on puisse évaluer le résultat : 16 n’ont plus eu d’épisodes de douleurs depuis au moins un an.  

En gros, le traitement consistait à prélever dans le sang de ces patients des cellules souches productrices de globules rouges. Puis, à utiliser l’enzyme Cas9 —partie intégrante de la technologie dite CRISPR Cas9— pour détruire « l’interrupteur génétique » défectueux. Enfin, avec la chimiothérapie, détruire les cellules souches originales dans la moelle osseuse du patient, et les remplacer par celles qui ont été modifiées.

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CRISPR-Cas9 est souvent décrit comme un « ciseau génétique ». C’est un outil qui permet d’éditer des gènes avec une précision inégalée jusque-là. Depuis son apparition en 2012, on l’a vu être rapidement testé de toutes sortes de façons pour modifier des gènes de plantes et d’animaux, en ciblant toutes sortes de maladies. En novembre 2018, un chercheur chinois, He Jiankui, a même provoqué une indignation internationale en annonçant qu’il avait utilisé la technologie pour modifier des gènes de prédisposition au sida chez des bébés avant leur naissance. Il a été condamné à trois ans de prison. 

Ce qui a été fait pour combattre cette anémie falciforme n’aurait donc pas été possible avant 2012. La question est à présent de savoir quoi d’autre serait possible. En théorie, n’importe quelle maladie causée par un gène dysfonctionnel pourrait se retrouver sur la liste. Dans un article récent, le New Scientist signale que 75 essais cliniques impliquant CRISPR sont en cours ou en voie d’être complétés, dont la moitié concernent une forme de cancer —la théorie est qu’on pourrait modifier des gènes du système immunitaire pour les rendre capables « d’attaquer » la tumeur. L’autre moitié des essais cliniques concerne plusieurs maladies héréditaires.

Les coûts pourraient entrer en ligne de compte pour limiter les aspirations. Si c’est trop cher, seuls quelques traitements pourront être développés. Si les coûts diminuent —et si l’efficacité de CRISPR ne se dément pas en cours de route— la porte est ouverte à des traitements aussi répandus que la lutte au cholestérol. 

Vertex Pharmaceuticals, la compagnie de Boston qui a développé ce traitement, n’annoncera pas publiquement le prix avant que le traitement n’ait été approuvé. 

L’autre bémol est qu’on ignore encore jusqu’où cette technologie permettra vraiment d’aller. Elle a beau être plus précise que ce dont la génétique était capable auparavant, il existe des maladies qui nécessiteront vraisemblablement encore plus de précision, ou de « corrections », comme disent les généticiens. On en a donc pour quelques années encore à continuer de défricher ce nouveau territoire avant de pouvoir vraiment en mesurer les limites.

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