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Il y a 20 ans, au moment des attentats du 11 septembre 2001, il n’y avait ni Facebook ni YouTube. Et pourtant, la quantité de fausses nouvelles qui a entouré cet événement préfigurait l’épidémie de fausses nouvelles qui allait marquer la décennie suivante, constate le Détecteur de rumeurs.


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  • L’une des plus récurrentes: 4000 Israéliens auraient été absents des deux tours le 11 septembre, ce qui « prouverait » qu’ils ont été prévenus. Les vérifications de l’époque ne s’entendent pas sur qui a inventé ce chiffre. Mais chose certaine, sur les 1700 occupants des deux tours morts dans les attaques et dont on connaissait la religion, un peu plus de 10% étaient recensés comme juifs, selon une compilation du Wall Street Journal en octobre 2001, un chiffre correspondant à la démographie de New York.
  • L’une des plus absurdes: la photo d’un touriste sur le toit d’une des deux tours, derrière lequel on voit un des avions approcher. C’est bien sûr un montage, ancêtre de toutes les photos truquées ou sorties de leur contexte qui circulent aujourd’hui sur les réseaux sociaux.
  • Un missile, et non un avion, aurait percuté le Pentagone, la « preuve » étant qu’on ne voit pas les ailes de l’avion sur les photos et que les dommages sur l’édifice seraient incompatibles avec un avion. Les dommages sont au contraire compatibles avec la trajectoire suivie par l’avion et les ailes se sont littéralement désintégrées sous l’impact.
  • L’absence d’appareils militaires pour intercepter ces quatre avions « prouve » qu’il s’agit d’une action du gouvernement américain. En réalité, dans toute la décennie précédente, un seul avion civil avait été intercepté par le NORAD au-dessus de l’Amérique du Nord, et il avait fallu pour cela 1 heure et 22 minutes au jet militaire F-16.
  • Un avion n’aurait pas pu faire s’écrouler les tours, il a donc fallu des explosifs. En réalité, c’est la température (plus de 1000 degrés Celsius) créée par le carburant qui brûlait qui a fait fondre les structures métalliques, jusqu’à ce que l’édifice s’écrase comme un château de cartes.
  • De grandes quantités d’actions de United et American Airlines —les compagnies des quatre avions détournés— auraient été achetées et vendues dans les jours avant l’attaque. Rien d’anormal dans ces transactions, comme le média de vérification des faits Snopes l’avait noté dès octobre 2001 —et même la Commission d’enquête (« Commission 9/11 ») a vérifié ces rumeurs en 2004.
  • L’homme d’affaires Larry Silverstein aurait pris une assurance sur son espace du World Trade Center, couvrant entre autres les attentats terroristes. En réalité, c’était une clause courante, et la tour elle-même était déjà couverte dès 1993, lors de l’explosion d’une bombe dans son stationnement souterrain.
  • Nostradamus l’avait prédit. La signature du présumé extrait, « Nostradamus, 1654 », révélait l'arnaque: Nostradamus est mort en 1566.

Des fausses nouvelles aux théories du complot

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Certaines de ces rumeurs (et plusieurs autres) se sont amalgamées pour former des théories du complot. Et ces théories sont à ce point nombreuses qu’elles ont leur propre page Wikipédia.

Réfuter les théories du complot entourant le 11 septembre pose toutefois une double difficulté : d’une part, elles amalgament une telle quantité d’affirmations —des vraies, des fausses, des trompeuses et des invérifiables— qu’il est impossible de réfuter la théorie sans commencer par la décortiquer, une affirmation à la fois. D’autre part, ces théories se contredisent les unes les autres. Le gouvernement américain aurait lui-même organisé ces attentats. Ou bien Al-Qaïda serait vraiment responsable, mais le gouvernement américain le savait et l’avait laissé faire. Ou bien c’est le gouvernement israélien qui a organisé ces attentats. Ou bien le complexe militaro-industriel. Ou bien il n’y a pas eu du tout d’attentats.

Vingt ans plus tard, cette double difficulté est également présente dans les théories du complot entourant la pandémie: le Détecteur de rumeurs a par exemple décortiqué une partie de la théorie sur les micropuces injectées dans les vaccins, et a recensé une partie des théories entourant Bill Gates qui se contredisent les unes les autres.

Mais les médias sociaux sont entretemps devenus un facteur important de changement. Le pouvoir des algorithmes, qui permet de ne lire ou de n’écouter que ce qui confirme nos croyances, a permis une diffusion plus grande et plus rapide des fausses informations qu’en 2001, même si les études démontrent que le nombre de gens qui les diffusent est relativement peu élevé. Par rapport à 2001, les algorithmes ont aussi facilité le « réseautage », à travers des alliances improbables entre médecine alternative et extrême-droite, ou entre antivaccins de jadis et antimasques d’aujourd’hui. Et ils ont considérablement amplifié l’impact de QAnon, autre amalgame de plusieurs théories complotistes, plus radicales que les plus radicales de 2001.

Mais ce qui unit la plupart des adhérents à ces théories, du 11 septembre à la pandémie, c’est une méfiance, voire une hostilité, envers les autorités ou les « élites » —incluant, à présent, les scientifiques. C’est un aspect qui avait suscité l’intérêt de peu de recherches dans les années 2000, mais la montée de Trump en 2015-2016 a forcé plusieurs chercheurs en science politique et en psychologie à tenter de comprendre les motivations derrière. Des auteurs ont par exemple établi que les théories du complot, historiquement, fleurissent dans des périodes d’anxiété. Or, si l’anxiété peut naître d’un événement dramatique, comme un attentat, elle peut aussi être le fruit d’une période qui, comme la nôtre, est traversée par de grands changements sociaux. Et tout changement est, par définition, insécurisant pour certains groupes de gens.

C’est dans ce contexte que, par rapport à 2001, on voit apparaître davantage d’incitations à parler aux hésitants à la vaccination sans leur faire la leçon, à chercher des zones de dialogue avec un complotiste, ou avec quelqu’un qui partage une fausse croyance, à apprendre aux gens à distinguer une source fiable, à faire un minimum de vérifications, à éviter les pièges de la désinformation, sans juger ces gens pour être tombés dans ces pièges. Ces efforts n’existaient pour ainsi dire pas en 2001, mais si la tendance se maintient, ils vont être de plus en plus importants dans les années 2020.

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