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L’image des médias sociaux en a pris pour son rhume en 2021, entre l’assaut contre le Capitole de Washington et une lanceuse d’alerte chez Facebook. Mais les nouvelles n’ont pas toutes été mauvaises. Cinq événements-clefs ouvrent une fenêtre sur ce que pourrait être 2022.

1) Les révélations dans la cour de Facebook. Certes, il y a une partie de ce que contiennent ces « Facebook papers » dont on se doutait. Par exemple, il y a bien longtemps qu’on s’entend sur le fait que les algorithmes de certains médias sociaux ont pour effet d’enfermer les usagers dans des « bulles » ou des « chambres d’échos » où ils peuvent ne lire et n’entendre que ce qui confirme leurs croyances, aussi extrêmes soient-elles. Mais ce qu’ont ajouté à cela, cet automne, les dizaines de milliers de pages distribuées aux médias par une ex-employée de Facebook, Frances Haugen, c’est à quel point ces impacts sont documentés à l’interne, y compris par des recherches menées par la compagnie elle-même. Des discours haineux en Inde ou au Myanmar jusqu’aux groupes antivaccins qui continuent de proliférer sur la plateforme. Par exemple, la compagnie avait pu documenter à quel point des messages émanant de l’Organisation mondiale de la santé pouvaient être submergés par des commentaires d’antivaccins.

On ne peut bien sûr pas faire porter tout le blâme de la désinformation sur les plateformes. Mais on peut leur reprocher leur manque de transparence. Ainsi, en août, on a appris que la nouvelle la plus partagée du premier trimestre 2021 sur Facebook, avait été une fausse nouvelle sur les vaccins. Et si on l’a appris, c’est parce que Facebook avait donné l'impression de vouloir dissimuler l’information en ne publiant que les résultats… du deuxième trimestre.

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2) Nocifs, les médias sociaux? Effets nocifs et dissimulation d’information sur ces effets: pas étonnant que des observateurs de l’écosystème se soient mis à comparer Facebook aux compagnies de tabac de jadis. Une comparaison qui campe le décor pour 2022, avec les efforts de réglementations que mettront en place —ou non— certains gouvernements.

 

3) Une épidémie de fausses nouvelles sur la pandémie  (encore). Il y a 12 mois jour pour jour, un de nos textes était intitulé « 2020, l’année de la désinformation épidémique ». Le même titre pourrait s’appliquer à 2021. Et même si l’intérêt des desinformateurs a pivoté cette année vers les vaccins plutôt que les masques ou Bill Gates, cela n’a pas empêché ces auteurs de fausses infos de continuer de surprendre par l’étendue de leur imagination.

 

4) Nobel de la paix et journalisme.  La bonne nouvelle de l’année sur le front de la désinformation, c’est le Nobel de la paix remis à deux journalistes confrontés à des gouvernements autoritaires: le Russe Dmitry Mouratov et la Philippine Maria Ressa. Cette dernière a fondé il y a 10 ans le média en ligne Rappler, qui se consacre entre autres à la vérification des faits (fact-checking). Et elle avait ceci à dire dans son discours d’acceptation du Nobel, le 10 décembre.

[Les plateformes] qui contrôlent notre écosystème de l’information mondial sont biaisées contre les faits, biaisées contre les journalistes. De par leur nature, elles nous divisent et nous radicalisent.

Sans faits, vous ne pouvez pas avoir de vérité. Sans vérité, vous ne pouvez pas avoir de confiance. Sans confiance, vous n’avez pas de réalité commune, pas de démocratie, et il devient impossible de s’occuper des problèmes existentiels de notre monde: le climat, le coronavirus et la bataille pour la vérité.

 

5) Intimidation, menaces, hostilité. Il y a quelques années, certains s’étonnaient encore que les injures et les insultes qu’envoient des internautes à des journalistes ou à des artistes, puissent aussi cibler des scientifiques. Il était pourtant naïf de croire que ceux-ci seraient épargnés, écrivions-nous en 2019. Cela dit, peu auraient imaginé que l’intimidation et les menaces de mort puissent aller jusqu’à cibler des médecins et des infirmières exerçant simplement leur métier.

Mince compensation pour eux et elles: une des cibles de ce type d’attaques, l’Américaine Elizabeth Bik, s’est méritée en cette fin d'année le prix international de vulgarisation John-Maddox, remis annuellement à une personne qui fait son travail dans un climat « hostile ».

Il y aura des leçons à tirer de ce climat délétère en 2022, notamment pour les psychologues et pour  les journalistes. Comment parler de cette minorité, marginale mais bruyante? Comment parler à la vaste majorité plutôt composée « d'hésitants »: des gens qui sont légitimement anxieux et inquiets? Et comment valoriser l’information journalistique crédible et rigoureuse, face à des algorithmes qui carburent plutôt à la provocation et à la polarisation des opinions?

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